Deux lévriers blancs définissent la majesté de Lucilla, un petit singe mangeur de friandises la bêtise de Caracalla, un babouin numérique fort laid la sauvagerie de Lucius, une tête de rhinocéros la décadence des nobles romains. Comme Napoléon faisait le chien sous la table de la salle à manger ou le bouc tapant du sabot avant l’union, les personnages de Gladiator II sont caractérisés par leur animalité qui trouve dans le récit virgilien de la fondation de Rome un symbolisme pertinent – la louve ayant offert ses mamelles à Romulus et Rémus pour les nourrir de son lait. Dès lors, apprécier cette suite fort dispensable, tant par la réflexion sommaire qu’elle mène sur la politique que par la laideur de ses effets visuels, suppose de s’attarder aux détails, de s’écarter du centre de l’image triomphant et lui préférer le côté : un patricien animateur des jeux du cirque jette par emportement le contenu de sa coupe au visage de ses voisins, l’inscription ornant le tombeau de Maximus est rédigée en anglais, des requins affamés complètent la naumachie…
Ridley Scott multiplie les pieds-de-nez à l’Histoire, revendique l’anachronisme et se complaît dans la déchéance des empereurs et l’éloge de l’esclave capable de fédérer, par sa seule présence et par son seul nom, les deux armées sinon opposées et prêtes à s’affronter. L’héroïsme de Lucius constitue une évidence : jamais il n’est construit – comme ce fut le cas pour Maximus –, il s’accomplit toujours, si bien que les jeux du cirque n’intéressent plus le cinéaste, qui les expédie vite d’ailleurs. L’essentiel du film réside à l’intérieur du palais impérial, là où vagabondent des idiots endimanchés dans des robes qui les desservent (cf. clausule) mais desquelles ils tirent leur autorité. Dès lors, le segment médian constitue la partie la plus réussie d’une production sinon médiocre, blockbuster sans âme ni émotion, nouvelle pierre apportée à l’édifice d’un artiste immense qui n’en avait pas besoin.