On sait déjà que Ridley Scott n’est plus une valeur sûre depuis presque vingt ans (à quelques sursauts près), mais la sortie coup sur coup, en deux ans, de l’infâmeNapoleon et de ce ringard Gladiator II finit d’enfoncer le clou. Mais comment pouvait-il en être autrement avec un tel rythme de production sur des projets qui se voudraient d’ampleur? On parle de moins d’un an et demi entre le clap de début de tournage et la sortie du bousin en salle, pour quelque chose qui devrait prendre au moins ce temps là sur la post-production. On parle d’une scène de bataille en rhinocéros tournée en 2-3 jours, un délai ridicule qui donne corps aux voix des équipes du cinéaste britannique selon lesquels celui-ci ne se pose plus aucune question sur ce qu’il filme, se contentant de placer une demi-douzaine de caméras et de piocher dans le tas au montage. On parle d’un navet à 320 millions de dollars qui espérait, en sortant sur le même créneau que Wicked, reproduire l’effet Barbenheimer dans un porte-manteau au risible nom de Glicked.
Le résultat de cet empressement, de ce déni de cinéma, aboutit en un film bancal, sans enjeux, sans profondeur, sans attachement aux personnages, sans émotion, sans souffle épique. Un combattant boiteux qui se contente de citer son aïeul à tout bout de champ sans jamais lui arriver à la cheville, en reprenant une histoire déjà conclue, en accolant les mêmes images (sauf que là le blé qu’on caresse il est déjà fauché, t’as vu le symbolisme?), en reproduisant des scènes à l’identique.
Sauf que Paul Mescal n’est pas Russel Crowe, et qu’il est loin d’être aussi enivrant que le laisse supposer son nom, à peine plus charismatique que les rames de cette galère. Qu’aucune image, à travers deux longues heures et demie, n’est mise à un plan plus élevée que l’autre. Que toutes les scènes supposées épiques sont torchées en moins de deux. Que le scénario, complètement con dans son calque, ne fonctionne jamais : pas un instant on ne croit en la ferveur suscitée par Lucius, à la montée au pouvoir de Macrinus, à la décadence des empereurs jumeaux, à la haine de Lucius envers Acacius, puisque rien ne justifie ni ne montre crédiblement les étapes de ce désastre narratif. Que les effets spéciaux sont tout bonnement honteux, présentant sans sourciller babouins baveux, rhino ridicule et requins (sic) ringards.
Alors on sort de la séance en constatant le gâchis, sans réelle surprise, et on se demande si le projet de suite métaphysique envisagé en 2006 et sobrement intitulé Christ Killer n’aurait pas été plus fendard. Voir Maximus ressuscité du purgatoire par les Dieux pour éliminer Jésus et les chrétiens, puis bringuebalé à travers les Croisades, la Seconde Guerre Mondiale et le Vietnam avant de trouver une planque au Pentagone, ça aurait sûrement été beaucoup plus réjouissant, quitte à être complètement crétin. Mais non, on a cette suite qui rappelle le Hercules de Brett Ratner ou le Pompeii de Paul W.S. Anderson, et dont le déliquescent géniteur au melon exponentiellement grandissant parle déjà comme le second volet d’une trilogie comparable au Parrain, où Lucius serait propulsé au pouvoir dans le dernier opus tel un Michael Corleone qui ne veut pas de cette position…
Il faut raccrocher Ridley, tu te fais du mal, et à nous aussi.