On a tous persisté
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le 11 avr. 2019
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Cette critique spoile le film Glass.
(Petite précision avant de commencer : je ne vais pas faire une critique de Glass à proprement parler. Dans le sens où je vais juste m'occuper du fond, du traitement des personnages en particulier, sans évoquer la forme, et donc les qualités. Mais je ne peux pas faire autrement – pour l'instant du moins, il n'est pas impossible que je revois Glass très prochainement et l'annote normalement cette fois – tant ce film est une déception personnelle immense.)
Ah, Glass. Cette suite que j'attendais depuis si longtemps. Depuis ma découverte d'Incassable en fait, soit six à sept de cela. Même si l'idée d'une suite me paraissait saugrenue, tant Incassable se suffit à lui-même, la simple possibilité de revoir David Dunn et Elijah Price à l'écran éveillait bien trop ma curiosité pour que je ne puisse pas désirer voir Glass. Finalement, j'aurais préféré que cette réunion n'ait jamais eu lieu, car il est bien triste de voir des personnages qu'on a tant admiré par le passé devenir des parodies d'eux-mêmes. La raison de cela étant toute simple : il n'y a plus rien à dire sur eux, leur histoire s'est achevée avec le générique d'Incassable.
David est devenu une simple silhouette. Il n'apparaît même pas dans sa meilleure scène : c'est quand son fils voit un autre homme soulever des haltères, à la manière de son père dans le premier film, que tout est dit. Le doute est installé par le simple fait de l'image, tout le reste n'est dès lors qu'ineptie. Scène qui fonctionne à plus forte raison que le personnage de David s'est construit, en partie, par le regard de son fils – comme le montre la sublime scène du journal dans Incassable. Chose qui n'est pas exploitée dans Glass, puisque le père et le fils n'auront jamais une discussion à ce sujet. Plutôt, David doute de lui-même, de dix-neuf années à sauver la veuve et l'orphelin, à cause de trois phrases d'une psychologue. Quelle volonté ! D'autant plus que tout cela a déjà été exploré dans Incassable. Le personnage ne connaît aucune progression, aucun arc, dans Glass. Il doute mais revient à son point de départ sans que cela n'est eu un seul impact sur lui ou ses proches. Alors quel est l’intérêt, si ce n'est combler du vide ? Glass oublie David pendant une bonne demi-heure sans que cela ne se fasse remarquer ou sentir. Pire encore, sa mort ne fait ni chaud ni froid – comme pour le reste des personnages d'ailleurs. En partie parce que cette fin arrive comme un cheveu sur la soupe. Le twist de la confrérie des trèfles n'est pas efficace car on ne sait rien d'eux : c'est un deus ex machina grossier, une balle dans le pied, une énorme déception, une écriture facile digne d'un enfant de neuf ans (Hedwig serait-il le scénariste ?). Puis, en ce qui concerne le twist sur le père de Kevin, je suis fier et attristé de dire que je l'avais deviné il y a déjà deux ans de cela, en voyant Split pour la deuxième fois. Pour en revenir à David, il ne s'agit pas, non plus, de voir la déchéance du personnage dans ce Glass, comme ça pouvait être le cas dans Logan. Non, ici David est censé être un héro, un mythe, mais finalement il est juste fantomatique (un lien avec Sixième Sens ? ). Bien triste conclusion pour ce personnage.
Cependant, il y a encore le personnage d'Elijah Price. Après tout, le titre du film fait référence à lui, on peut donc s'attendre à un film centré sur le personnage qui propose un traitement digne de ce nom. Sauf que là aussi c'est une catastrophe. Elijah, ce personnage si profond et torturé – et si beau – d'Incassable devient une parodie de lui-même : une pauvre caricature de méchant bas de gamme, juste bon à (presque) briser le quatrième mur. Le personnage radote. À nouveau il veut trouver sa place dans le monde ; mais il l'a déjà fait. Encore une fois, trois phrases ont suffi à briser la volonté d'un homme si déterminé qu'il n'a pas hésité à tuer des centaines d'innocents pour prouver ce qu'il était. Non, dans Glass, le véritable arc d'Elijah est de montrer l'existence des super-héros : ce n'était pas suffisant qu'il sache qu'il « n'est pas une erreur », il veut le prouver au monde entier. Sauf que, cela, on ne le comprend qu'après l'arrivée du twist de fin. Mais comment éprouver de la sympathie pour le personnage en le voyant soit sénile, soit fou, si on ne comprend pas, en plus, son but ? D'autant plus que ses motivations sont floues : si Elijah veut dorénavant être nommé Mr. Glass, nom qu'il l'a tant fait souffert étant enfant, comme le montre sa première interaction avec Kevin et ses autres personnalités, quel en est la raison ? Il est méchant juste pour être méchant, pas même pour être reconnu par le monde en réalité. Une vengeance mais envers qui ? David ? Si Elijah croyait bel et bien que David avait des pouvoirs, il savait qu'il serait démasqué lorsqu'il lui a tendu la main à la fin d'Incassable – et l'inverse voudrait dire qu'il n'y a jamais cru, ce qui est une incohérence totale, une insulte envers le personnage. Être emprisonné était son choix, après tout il l'était déjà. D'une beauté tragique, on passe à une vulgaire incohérence en fauteuil roulant. C'est bien triste. Tel David, Elijah ne connaît aucune progression dramatique. C'est un bête personnage fonction, un grand méchant avec un sourire de psychopathe montrant ses belles dents noires. Où est passé cet être dont, malgré les actions abjectes, on ne pouvait éprouver que de la sympathie pour lui ? Au moins de la compassion. Il est devenu l'ombre de lui-même, un vieux fou qui a eu raison plus par chance qu'autre chose. Il avait juste besoin de savoir qui il était, mais certainement pas de ça.
Reste finalement Kevin et ses multiples personnalités. Sans conteste, c'est ce qu'il y a de meilleur dans le film. Et la raison est à nouveau toute simple : il y a des choses à dire sur ce personnage. Casey étant le véritable personnage principal de Split, restait la place d'un film pour un développement au sujet de Kevin. Car lorsque Kevin reprend ses esprits à la fin de Split, on découvre enfin son chaos intérieur : les personnalités tentent de prendre chacune la lumière pour le protéger. De cette graine germe tout l'arc du personnage dans Glass. Et quel arc ! Pouvoir faire tenir une relation si complexe entre Casey et lui sans jamais qu'on puisse douter de la sincérité des deux, c'est fort, très fort. Leurs scènes sont toutes magnifiques. Parce que Casey a compris Kevin, il n'est pas un danger, quelque chose à étudier, un monstre : c'est un être humain brisé, dont l'esprit s'est fragmenté pour se protéger. Lorsque Kevin prend la lumière, difficile de ne pas voir un enfant terrifié par les violences qu'il a subi par le passé. Glass explore la souffrance interne de Kevin de la meilleure manière qu'il soit, on sent bien que les personnalités ne sont pas si distinctes les une des autres au final : toutes cherchent à le protéger à leurs manières mais, ce qui est tragique, c'est que Kevin n'a plus besoin d'être protégé. Il est prisonnier de et en lui-même. Les scènes avec Casey sont d'une splendeur, d'une poésie, sans nom. Toute la fragilité et la beauté des personnalités ressortent dans ces scènes-ci, tel un écho au personnage que fut Elijah. Mais, voilà, il y a un problème. Ces scènes – et même toutes les scènes de Kevin en général – sont dans un nombre bien trop limité (seulement deux scènes entre Casey et Kevin !), cela impliquant un traitement superficiel. Pourquoi ? Et bien pour faire revivre des héros du passé sur lesquels il n'y a plus rien à dire. Quel gâchis !
Et là arrive la triste conclusion. Parce que, au-delà d'être un film qui gâche un énorme potentiel car il ne sait pas bien user de ses moyens ; au-delà d'être un mauvais film, Glass en gâche deux autres. Premièrement Incassable. À la fois car les personnages sont devenus une honte par rapport à ce qu'ils étaient, mais aussi parce que Glass détruit toute l’ambiguïté concernant la véritable nature de ses personnages. Ce que j’adorerais à propos d'Incassable, c'était qu'on ne pouvait pas être tout à fait certain du fait que les personnages étaient vraiment des super-héros. On pouvait en douter, ne serait-ce qu'un minimum, et cela rendait le personnage d'Elijah d'autant plus tragique : possiblement, il ne trouve pas réellement sa place dans l'univers mais la fabrique de toutes pièces. Il vit heureux mais dans son illusion. Puis, Glass ruine un autre film : Split 2. C'est-à-dire un film qui explorerait convenablement les fissures du personnage de Kevin et sa relation avec Casey. Dans Glass, ceci est expédié, gâché. Savoir que ce Split 2 n'arrivera jamais m'attriste au plus au point car j'ai vu tout le potentiel qu'avait cette histoire dans Glass, mais ce n'était qu'un bref aperçu, fugitif et déjà enterré. Ce que je redoutais tant est finalement arrivé : Glass a ruiné Incassable. Et encore pire, il a ruiné un film dont je ne savais même pas que je désirais l'existence. J'ai eu l'audace d'avoir de l'espoir.
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le 19 janv. 2019
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