On a tous persisté
On avait décidé de passer notre chemin, après l’expérience collective assez désastreuse du volet précédent. Mais un des cinéphiles en moi, l’optimiste a tout de même entraîné les autres ; comme...
le 11 avr. 2019
102 j'aime
6
Vous souvenez-vous de cette antique publicité pour le papier toilette Le Trèfle ?
Glass, le dernier opus de l'ami Manoj Night Shyamalan, procure un peu la même impression, sauf qu'en 2019, le trèfle, hé bien, il est loin de sentir la rose.
Alors même que le film, dans sa première heure, convoque certains parfums et arômes délicieux, en forme de flashbacks iconiques, du chef d'oeuvre que constitue aujourd'hui Incassable, tout comme il se réfère parfois avec astuce à un Split qui était finalement assez bien troussé.
Sauf que l'on se rend compte, assez rapidement, que quelque chose cloche. Cela commence avec le cameo de son réalisateur, qui cherche tellement la connivence et le clin d'oeil qu'il se sent obligé d'expliquer de quel film il vient et dans quelles circonstances il a côtoyé l'un de ses héros. Si le malaise ne gagne pas encore le spectateur, il se dit pourtant que cette grosse lourdeur fait un peu tâche dans l'entame d'un film super attendu, en forme d'apothéose de sa trilogie tardive.
Et tout d'un coup, on se rend compte que cet asile, en forme d'Arkham aseptisé, est ouvert à tous vent, qu'on s'y déplace presque comme dans un moulin malgré les centaines de caméras qui, apprend-on, couvrent tous les angles possibles. Au point, presque, que Glass tourne en mode 1 Duplex pour 3, tellement ses illustres pensionnaires, enfin, l'un d'entre eux du moins, a les mains libres et fait ce qu'il veut.
Sauf que le spectateur, tout à ses attentes, peut être démesurées, se raccroche à certaines scènes menées avec une précision diabolique, comme celle de cette thérapie collective qui, à travers ses questions posées à ses héros en cage, sonde bien plus les croyances de celui qui a payé sa place que la maladie mentale dont Elijah, David et Kevin semblent souffrir.
Shyamalan, ainsi, comme dans Incassable, ramène violemment le fantastique au sein d'un monde normal, auscultant le super héroïsme, ses archétypes et ses travers de manière désenchantée.
Sauf que quelque chose cloche après cette heure et demi au final (très) bien menée.
Car Shyamalan semble ensuite tout simplement ne plus savoir quoi faire avec la mythologie qu'il a créée, avec ces personnages fabuleux issus de son esprit créatif, du parallèle qu'il tissait jadis avec astuce et intelligence avec la culture comics.
Parce qu'au bout du compte, il traîne tout cela, littéralement, dans la boue, le temps d'un plan fugitif de Bruce en difficulté. Dans un triple twist d'abord très paresseux et facile, virant au nawak en faisant entrer en scène, de manière gratuite et malhonnête,
une force supérieure dont on ne soupçonnera jamais l'existence (et aux objectifs totalement incohérents),
avant de se terminer en ineptie plate mettant le spectateur dans une colère noire. Et le laisse atterré, interdit, à deux doigts de pleurer devant l'entreprise de démolition.
Comme si Shyamalan, réalisant qu'il ne trouverait jamais une fin à la hauteur de ses (nos) attentes, avait salopé son tableau d'un coup de pinceau rageur et délirant, tant son dénouement raté fait penser à X-Men : L'Affrontement Final, où personne ne fait trop attention à ce qu'il se passe, et ne prend par exemple jamais la peine de régler le compte d'un de ses opposants alors qu'il reste là sans rien faire.
Comme si Shyamalan envisageait Glass comme le plan machiavélique et tordu d'un petit malin, alors que le scénario n'est écrit qu'à coup de facilités parfois lamentables, dont chaque personnage inféodé à l'un de ses héros pas très super (ou si, ou non, cela dépend des nécessités du spectacle) ne sert absolument à rien, et dont la fin ubuesque est l'une des pires de mémoire récente.
Mais le plus énervant, et le plus révoltant, dans ce final, c'est ce que le réalisateur fait de ses icônes :
Rien.
A part les traîner dans la fange, les rabaisser et détruire leur pouvoir immédiat de fascination. Comme il détruit l'élément déclencheur et minéral d' Incassable dans un flashback truqué qu'il réécrit à sa guise pour légitimer son extended universe de dernière minute. Et tout cela pour servir une pseudo réaction puérile face à la vague lucrative du super hero movie... Tout en en reprenant à son compte les marottes...
Reste Bruce, monolithique, et James, toujours aussi étincelant. Et quelques jolies scènes bien shootées. C'est trop peu pour (me) convaincre.
Manoj Night Shyamalan, avec Glass, passe de l'autre côté de miroir en le brisant à coups de masse, ruinant littéralement un film à l'aura de culte et un autre qui avait réussi à relancer sa carrière de belle manière.
Glass nique sans vaseline et de manière irrémédiable son univers le plus magique et précieux.
Le tout à cause d'un trèfle.
Merde.
Behind_the_Mask, sept ans de malheur.
PS : Merci à l'ami Zoliv' pour son inspiration.
Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes C'est grave Docteur ?, Les meilleurs films de M. Night Shyamalan et Une année au cinéma : 2019
Créée
le 16 janv. 2019
Critique lue 8.8K fois
112 j'aime
66 commentaires
D'autres avis sur Glass
On avait décidé de passer notre chemin, après l’expérience collective assez désastreuse du volet précédent. Mais un des cinéphiles en moi, l’optimiste a tout de même entraîné les autres ; comme...
le 11 avr. 2019
102 j'aime
6
Il y a clairement deux manières de regarder "Glass", et le plaisir qu'on en tirera variera du tout au tout. La première est en passionné de culture de super-héros et de blockbusters parfaitement...
Par
le 19 janv. 2019
73 j'aime
13
Alors en plein renaissance artistique, M. Night Shyamalan avait surpris son monde en 2017 lorsque sort Split et nous laisse la surprise de découvrir lors d'une scène en début du générique de fin...
Par
le 22 janv. 2019
69 j'aime
6
Du même critique
Le succès tient à peu de choses, parfois. C'était il y a dix ans. Un réalisateur et un acteur charismatique, dont les traits ont servi de support dans les pages Marvel en version Ultimates. Un éclat...
le 25 avr. 2018
205 j'aime
54
˗ Dis Luke ! ˗ ... ˗ Hé ! Luke... ˗ ... ˗ Dis Luke, c'est quoi la Force ? ˗ TA GUEULE ! Laisse-moi tranquille ! ˗ Mais... Mais... Luke, je suis ton padawan ? ˗ Pfff... La Force. Vous commencez à tous...
le 13 déc. 2017
193 j'aime
39
Le corps ne suit plus. Il est haletant, en souffrance, cassé. Il reste parfois assommé, fourbu, sous les coups de ses adversaires. Chaque geste lui coûte et semble de plus en plus lourd. Ses plaies,...
le 2 mars 2017
186 j'aime
25