On a tous persisté
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le 11 avr. 2019
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Il y avait cet homme discret, sans histoires, mais indestructible, dont l’histoire nous était narrée dans Incassable il y a près de vingt ans. Puis il y a eu Kevin, être tourmenté, étouffé par vingt-trois personnalités qui prennent le dessus les unes après les autres pour protéger Kevin, dans Split. Il restait Elijah, autre individu écorché vif, d’une intelligence redoutable, celui qui a éveillé la conscience de David Dunn dans Incassable, et qui s’intéresse aujourd’hui à la « Horde ». Voici venue l’heure de Glass.
Le dénouement est proche. Incassable avait su s’imposer parmi les références en termes de films traitant de « super-héros », avec ce portrait intimiste et intéressant d’un homme aux pouvoirs surhumains, mais confronté aux doutes de la société, et à ses propres doutes. Split explorait une dimension plus surnaturelle et horrifique, cherchant à creuser la complexité du personnage, l’équilibre entre le Bien et le Mal, un film que l’on imaginait indépendant, jusqu’à l’apparition de David Dunn à la toute fin du film, impliquant l’intégration de Split dans l’univers d’Incassable, et l’arrivée prochaine d’une suite. Et c’est avec Glass que cette dernière arrive donc, celle-ci se focalisant, comme son nom l’indique, sur le personnage d’Elijah Price, le seul des trois protagonistes n’ayant pas eu un film « à son nom ». Mais ce que l’on attend surtout, c’est la rencontre entre ces trois personnages, et ce qu’elle peut impliquer.
Tout l’enjeu de l’ « Unbreakable Universe » est de parler de l’image du super-héros dans la société, toute la mythologie autour, et de créer une mythologie lui-même. C’est rendre hommage aux comics, par l’intermédiaire du personnage d’Elijah, pour rétablir un rapport entre l’essence des comics et la réalité. Nulle volonté pour Shyamalan de glorifier ces personnages, au contraire, il s’agit de les ancrer dans la réalité et de montrer leur failles pour les rendre humains. Glass vient offrir une conclusion tourmentée à la trilogie entamée par Shyamalan il y a presque vingt ans, un aboutissement, une nouvelle exploration des thématiques de la croyance, du rationalisme dans la société, et la place et l’image des « super-héros » dans cette dernière. Il y a, toujours, cette souffrance intérieure chez ces personnages marginalisés pour leurs différences manifestes, mais aussi la peur et la crainte qu’ils inspirent de par leurs capacités singulières et inexplicables. On refuse d’y croire, même si les comics inondent les rayons de milliers de magasins où les amateurs et aficionados s’abreuvent de ces histoires qui les extirpent de leur quotidien. On vend ces comics par millions, on crée des produits dérivés, on en fait un business, on transforme quelque chose d’authentique en quelque chose de mécanique et commercial.
Dans Glass, Shyamalan parachève sa réflexion sur l’extraordinaire du point de vue interne (notamment à travers le personnage de Kevin), mais aussi du point de vue de la société. Le cinéaste questionne la capacité que l’on a à pouvoir croire en l’extraordinaire dans un monde où tout doit pouvoir être expliqué, tout en s’intéressant, notamment à travers quelques clins d’œil, à ce qu’est devenu le super-héros dans notre société, le business qu’ils engendrent et, surtout, le fait que l’on les détache de plus en plus des problématiques profondément humaines qu’ils traitent et qui ont motivé leur création. Il choisit donc le « mastermind », l’esprit génial, Elijah, comme tête d’affiche du troisième opus de sa trilogie, une manière de jouer les chefs d’orchestre pour un dernier baroud d’honneur. Un cru tout à fait intéressant, dans la parfaite continuité d’Incassable et Split, très riche en réflexions sur les différentes thématiques précédemment citées. C’est dans cette richesse, dans cette manière de sonder l’extraordinaire dans un monde rationnel, à parler des différences dans un monde souvent intolérant, des croyances dans un monde qui cherche de moins en moins à croire (il ne s’agit pas ici de parler de religion), que Glass exploite et dévoile ses meilleurs atouts.
Retrouvant la modestie d’Incassable et le côté mystérieux, terrifiant et dérangé de Split, Glass conjugue et complète, sans pour autant être forcément très brillant. Il est vrai qu’Incassable avait été une très bonne surprise, plein de nobles intentions, et avec un sens pointu de la mise en scène, celle-ci servant parfaitement le propos du film pour lui donner de la puissance et du relief. Split misait plus sur l’ambiance, et Glass est également dans cet esprit, faisant du défi technique une priorité moindre, pour laisser plus de place à ses interprètes et à l’intrigue. Le film prend quelques risques et fait, globalement, les bons choix. Ce n’est pas un film qui laisse indifférent, mais il risque de souffrir de la pression de l’héritage qu’il porte. Dans tous les cas, s’il n’est pas incroyable, Glass remplit bien son contrat.
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Créée
le 31 janv. 2019
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