Regardé pour la première fois il y a tout juste trois ans et un jour à l'heure où j'écris ces lignes (j'aime la précision), j'avais beaucoup apprécié À couteaux tirés, l'histoire et l'enquête étaient prenantes, le coupable était, certes, facilement identifiable, mais Rian Johnson était arrivé à faire de son film plus qu'un simple whodunit, ne laissant rien au hasard, notamment à travers ses retournements de situation ou encore les « secrets » entourant la famille traitée.


Avec Glass Onion, même si j'ai beaucoup apprécié, je dois avouer que j'ai tout de même eu un peu plus de mal. Disons que ce n'est pas parce que quelque chose a du sens sur le papier, qu'il fonctionne aussi une fois devant le grand écran.


En fait, dans Glass Onion, on retrouve la patte de Johnson, sa volonté de jouer avec nos attentes, de retourner les situations, de créer des fausses pistes quoi. Concrètement, c'est ce qui explique le fait que le grand mystère « organisée » par Miles Bron (Edward Norton) est résolu par Benoit Blanc (sans aucune surprise toujours interprété par Daniel Craig) avant même qu'il ne commence réellement. Pour le dire d'une autre manière, le film dure 2h20 et nous tease pendant trois quarts d'heures une enquête autour d'un meurtre fictif pour que Rian Johnson, ce cynique, n'en fasse, d'une certaine manière… rien. Tout a été fait pour nous conditionner, mais le réalisateur, disrupte ce conditionnement en un claquement de doigt. Une façon de dire au spectateur qu'il n'aura pas affaire au mystère qu'il s'attendait à voir : on s'attend à se retrouver face à un meurtre prémédité, savamment préparé, mais Johnson nous en livre un qui n'a absolument pas été prémédité, qui s'est fait dans l'improvisation la plus totale. Même des éléments plus secondaires comme le fait de nous faire croire que Duke se fait tromper par sa femme est là… pour nous tromper justement.

La plupart des personnages de l'intrigue sont aussi là pour nous tromper, se révélant être des fausses pistes. Benoit n'a jamais reçu d'invitation ; Andi (Janelle Monáe) n'est pas Andi mais sa sœur jumelle, Helen ; les francs-tireurs (ou disrupteurs afin de rester plus fidèle à la VO) ne sont pas des génies, mais des abrutis qui profitent du système, qui se font laisser mettre une laisse par Miles et qui ont déjà du mal à déchiffrer l'énigme de la boîte, qui n'est pourtant pas bien compliqué ; le pire étant Miles, un soi-disant génie qui s'avère être profondément stupide, qui dispose d'un vocabulaire encore moins large que le mien, qui se fait installer sa voiture sur le toit car « il n'y a pas de route sur l'île » et qui se révèle incapable d'inventer la moindre chose… si bien que même l'idée d'éteindre la lumière afin de commettre un meurtre ne provient pas de lui, mais de Benoit Blanc. On aurait presque l'impression que Rian Johnson a quelque chose à reprocher à Elon Musk par moment.

D'ailleurs, le film ne se prive même pas pour nous gueuler au visage que Miles est le coupable. Benoit nous révèle son identité à travers sa description de l'oignon de verre : « un objet en apparence très dense, mais dont le centre est à la vue de tous ». Inutile d'aller chercher bien loin donc : le coupable est au cœur du glass onion, donc Miles est le coupable… et de toute façon, tous les soupçons portent sur lui.


Sauf que voilà, le truc en faisant ça, outre le fait que ça fasse de Glass Onion un whodunit qui n'en est pas vraiment un, c'est que cela pousse Rian Johnson à devoir tout bêtement nous expliquer, nous réexpliquer même, une fois arrivé au milieu du film. En souhaitant créer un film qui piégera le spectateur, il finit par se piéger lui-même en quelque sorte. Concernant l'identité du coupable, premièrement, comme déjà dit plus haut, tous les regards se portent naturellement sur Miles ; ensuite, les différents gestes qui l'incriminent peuvent être perçus par le spectateur avant même que le meurtre ait eu lieu (le fait qu'il vole le pistolet, donne volontairement un verre à Duke, le regard de ce dernier qui se porte sur Miles au moment de sa mort) ; et au pire, le fait que l'on puisse rayer Andi de la liste des suspects dès la moitié du film ne fera plus douter personne.

La plus grosse pilule à avaler, les trois grosses pilules à avaler même, concernent la triple révélation : Andi est déjà morte, c'est sa sœur Helen qu'on voit depuis le début et contrairement à ce qu'on croit, cette dernière ne s'est pas faite tuer par Miles. C'est ce qui fait que les plus grosses révélations du film ne sont pas énoncés lors du dernier quart du film, comme c'est le cas pour la plupart des whodunit, mais lors de sa troisième partie, lors de l'analepse autour de la sœur d'Andi justement.

À l'image du mystère entourant le faux meurtre de Miles, Glass Onion débute comme un film préparé avec minutie, bourré de détails et autres easter eggs plus ou moins évidents à déceler… pour finalement perdre toute subtilité, devoir tout nous expliquer, comme si Johnson s'était finalement décidé à s'adresser à un gamin de cinq ans, une fois arrivé au milieu du film.


Le réalisateur profite tout de même de cette suite pour étoffer son univers, donner plus de consistance au personnage de Benoit Blanc, interprété par un Daniel Craig qui se fait clairement moins chier que dans le dernier James Bond. Si Johnson avait déjà confirmé que le personnage était homosexuel, cette suite le confirme pour de bon, le personnage étant en couple avec un personnage interprété par Hugh Grant, qui vient faire son caméo… comme beaucoup d'autres personnalités quand on y pense. Disons que je ne m'attendais pas à voir Daniel Craig (mal) jouer à Among Us avec Angela Lansbury, Natasha Lyonne, Stephen Sondheim ou encore le célèbre pilote Kareem Abdul-Jabbar en plein confinement (on notera la présence d'une bouteille de Ricard à côté de la baignoire, je tiens à saluer systématiquement le soft power français). Je m'attendais par contre à ce que le contexte entourant le film, la pandémie de Covid-19, soit plus exploité. Hormis une certaine métaphore, pas forcément des plus intéressantes, que l'on peut voir en début de film lorsque les différents invités ôtent leurs masques, le contexte est vite occulté.


Excellent lors de sa première partie, plus moyen lors de la seconde, Glass Onion se révèle tout de même être un film sympathique dans l'ensemble. Pas au niveau du premier film certes (je préfère le donut à l'oignon de toute façon), mais tout de même assez bien écrit pour que même ceux qui n'ont pas aimé le premier daigne y jeter un coup d'œil. En tous cas, j'ai hâte de voir ce que le réalisateur nous proposera avec la suite.



PS : Duke est un libertarien de merde avec un holster sur lequel il est inscrit DTOM, à savoir les initiales de « Don't Tread on Me ». Rien que pour le fait de tuer ce genre de personnage, le film mériterait un point supplémentaire.

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le 9 mars 2023

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MacCAM

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