Documentaire sur un des plus importants festivals pop-rock mondiaux.Glastonbury,c'est la réplique anglaise de Woodstock.En 1969,une bande de hippies monte un festival à l'arrache en pleine cambrousse américaine et voit déferler de manière inattendue une foule immense,Woodstock devenant instantanément un repère mythique et un marqueur indélébile de la culture beatnik.L'année suivante,Michael Eavis,fermier british gaucho,organise la même chose dans ses prés et la manifestation perdure depuis.Le premier Woodstock a été filmé par un jeune reporter,Michael Wadleigh,qui en a tiré un film culte devenu la référence ultime en matière de docu musical et de pop culture.Glastonbury a également eu droit à ses représentations cinématographiques,le film de Julien Temple,le père de Juno,étant le troisième de la série et relatant l'édition 2005 du festival.Temple,spécialiste du film musical,a si bien retenu les leçons de Wadleigh que l'on est ici à la limite du plagiat."Glastonbury" est ainsi construit de la même façon que "Woodstock".On attaque par les préparatifs de l'affaire,puis on poursuit en alternant scènes de concerts et exploration des coulisses.Se succèdent plans de la foule,de la campagne,des tentes,et surtout du public,et interviews des protagonistes,participants interrogés au hasard,habitants du coin satisfaits ou non du bordel organisé à leur porte selon qu'ils y ont quelque chose à gagner ou pas,et du rusé Michael Eavis,organisateur-fondateur du truc.On retrouve des scènes carrément déjà vues dans "Woodstock",avec des spectateurs rassemblés en nombre devant la scène sous une pluie battante,des gens vautrés partout dans l'herbe,dans tous les sens du terme,d'autres déambulant à poil,des enfants errant au milieu du foutoir,des glissades dans la boue,la gestion difficile des chiottes prises d'assaut.Mais au-delà de tout ce folklore et de ce côté petit copieur,Temple parvient à introduire,volontairement ou non,des notations sociologiques passionnantes.Les personnages présentés ici semblent former la queue de la comète d'un mouvement hippie dévoyé et à bout de souffle,dont l'hypocrisie,les contradictions et l'échec explosent dans tous les coins de l'écran.Ce qui avait du sens en 69 à Woodstock n'en a plus guère aujourd'hui.C'était l'époque des grands bouleversements sociaux et politiques,de l'ébranlement des structures traditionnelles,de la guerre du Vietnam.La mouvance beatnik incarnait alors l'espoir d'un monde meilleur,d'une autre façon de vivre,d'un monde de paix et d'amour.On a vu ce que ça a donné par la suite,et "Glastonbury" dresse le constat de faillite de cette génération et sonne le glas des utopies.Certes,les revendications libertaires de cette gauche anarcho-écologiste ont en grande partie été satisfaites,mais ça n'a paradoxalement contribué qu'à aggraver la situation.Il y a toujours des guerres,il y a de plus en plus de pauvreté et d'inégalités,de moins en moins de solidarité,et les puissances d'argent contrôlent plus que jamais le Monde,car elles ont maintenant fait main basse sur la politique et les médias.Quant aux vieilles valeurs contraignantes,elles ont disparu ou presque,mais elles n'ont été remplacées par rien de positif,laissant le champ libre à l'individualisme,au matérialisme et à la violence.Voici donc Eavis,paysan gauchiste crasseux mais qui fait de bonnes affaires avec son festival.Pris au piège de ses contradictions,il a dû faire construire des clôtures autour de son site afin d'empêcher les resquilleurs de passer.Il bave à l'occasion sur la police mais il est bien content de la trouver pour patrouiller près de ladite clôture.Il a accueilli les travelers quand ils ont été expulsés de Stonehenge,mais il les a virés à son tour parce qu'il s'est aperçu qu'ils étaient violents et ingérables.Eh oui,peace and love c'est bon pour la galerie mais ça recouvre une réalité très différente.Pour ce qui est du public,c'est pas mieux.Les réflexions émanant de ce ramassis d'abrutis avachis et défoncés sont d'une nullité consternante.On ne parle que d'être ensemble,mais chacun est venu pour se faire remarquer individuellement.Tout le monde arbore des déguisements extravagants,tout le monde tente d'exister d'une manière ou d'une autre.Ca chante et ça danse n'importe comment,ça exécute des numéros de cirque ou des exercices de zénitude à l'indienne,chacun fait son petit truc à lui et tourne dans sa propre boucle.Il y a un peu de tout là-dedans,des hippies décavés au bout du rouleau,des vétérans déphasés des luttes homos,gauchos,écolos et autres,des prolos ou semi-prolos venus pour déstresser,des bourgeois à la recherche de sensations fortes et de teufs sans limites.En cela le festival,plus qu'à Woodstock,s'apparente plutôt au phénomène des rave parties.Là aussi,la contradiction est reine.On est écolo mais on passe des jours et des nuits à saloper consciencieusement un coin de campagne en pissant et en chiant partout,puis en laissant un véritable dépotoir à ciel ouvert derrière soi.On veut que le festival perdure et on gémira abondamment s'il cesse,mais on adopte les comportements irresponsables propres à le condamner.Vente et consommation effrénée de drogues,tentatives répétées de rentrer sans payer,provocations envers des policiers qu'on accuse ensuite de violences.Ces gens constituent un formidable repoussoir par rapport aux idées qu'ils prétendent défendre.Si la liberté c'est aller s'agglutiner avec des milliers de décérébrés craspecs et camés jusqu'à l'os,alors à bas la liberté!Et la musique,dans tout ça?Eh bien,en dépit d'une affiche prestigieuse,le spectacle est très inférieur à Woodstock.La faute à l'émergence de styles musicaux faiblards,du rap,du punk,du hard-rock,mais aussi à l'enthousiasme envolé des baladins d'antan.Comme le dit si justement Bob Dylan,"The times they are changin'".On voit donc une armada de stars du showbiz venus vendre leur salade,car ce genre de festivals est une bonne vitrine,tout en exhortant les manants et les gueux qui les écoutent à la révolte,car ils ont bien pigé le thème général du rassemblement.Ceci avant de retourner à leur confortable vie de lucre,de luxe et de luxure.Mais il ne faut pas tout jeter,il y a quand même quelques bonnes prestations,quelques bonnes chansons,quelques bons morceaux.Sont présents entre autres Bjork,Blur,Nick Cave,Massive Attack,Radiohead,Joe Strummer,Oasis,le Velvet Underground.On voit aussi David Bowie et Ray Davies,qui étaient déjà devant la caméra de Temple dans "Absolute beginners".