Langage des dignes
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Le cinéma de Guédiguian me laissait souvent perplexe : trop simple, trop didactique, trop militant, pas assez ouvert sur les évolutions sociétales.
Ma surprise est d'autant plus grande de découvrir dans Gloria mundi toute une palette de nuances inattendues.
Les pauvres ne se contentent plus de subir, il deviennent oppresseurs d'autres pauvres, un peu à la mode Ken Loach. Le couple joué par Grégoire Leprince-Ringuet et Lola Naymark est formidable de ce point de vue. Même Sylvie, jouée par une Ariane Ascaride formidablement quelconque, nous donne une réplique iconoclaste dans l'éco-système Guédiguian : "Les cheminots, ils sont déjà en retraite à mon âge !".
C'est comme si toute l'oeuvre de Guédiguian se trouvait ici travaillée de l'intérieur, les personnages historiques joués par les anciens de la bande (Ascaride, Darroussin, Meylan) étant bousculés par une jeune garde écervelée mais bien vivante (Anaïs Dumoustier, merveilleuse en petite connasse).
Tout cela est déjà très intéressant, mais le film trouve son grammage final dans le personnage de Daniel, gitan marqué par le fatum, et faiseur de haïku.
Le tout ne tient debout que de justesse (ce qui rend compréhensible la réaction de rejet de certains spectateurs). Pour ma part, j'ai souvent été ému aux larmes par la précision du jeu des acteurs, et par la circulation souterraine de sentiments profonds qui innervent le films en continu (le temps qui passe, les promesses de l'avenir, la vacuité du désir).
Un beau mélo, qui comme les grands films de Sirk, conjugue le trivial et le sublime, parfois dans un même plan.
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le 10 déc. 2019
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