Go Fish
7.2
Go Fish

Film de Rose Troche (1994)

[Publiée le 8 avril 2023 sur Un Certain Cinéma]


Il n’existe pas plus motivant, enthousiasmant, inspirant que ces films de la marge, fait avec les budgets de la marge, si innovant, créatif, ingénieux. Go Fish appartient à cette catégorie-ci, sans nul doute possible.


Avec un budget qui semblera ridicule à certains de 15 000 dollars américains, cette œuvre se démarque d’abord par sa mise en scène, son originalité envoûtante dont les ponts entre réalité et imagination se créent, en témoigne par exemple le mariage visualisé par Max, où le film de Rose Troche déborde de magnifiques idées visuelles.


Par ailleurs, il est possible de noter la beauté de l’intégralité des séquences dont les textes de Max sont illustrés, clarifiés ou mystifiés par l’image au rythme d’une discrète bande sonore qui se perd dans l’écho de la sublime voix de Guinevere Turner.


Et il serait une erreur de ne pas évoquer le rapport aux corps, filmés avec brio, de manière presque hypnotique. Un charme naît de ces corps représentés et mis en scène avec l’élégance du montage et la vivacité de la caméra.


Néanmoins, il ne faut oublier de mentionner la dimension militante de ce film reconnue par ses créatrices : la représentation d’une bande d’amies lesbiennes dont il fut nécessaire d’attendre 1994 pour faire de leur vie quotidienne le sujet centrale d’une œuvre, loin des représentations qui n’était que conséquences des fantasmes des producteurs et réalisateurs du passé. L’idée d’un regard intérieur est aussi bien extracinématographique que composante de l’œuvre.


Les questionnements sont d’autant plus intéressants qu’ils mettent en avant le rapport à l’autre, ses proches, sa famille, mais aussi sa propre communauté. Finalement, cette bande d’amies permet de mieux se rendre compte, par effet d’opposition, de la solitude, l’isolement par les autres, qui dénoncent, jugent, imposent.


La somptuosité du noir et blanc granuleux mariée à l’originale intelligence du montage fait de Go Fish une réussite cinématographique et militante. Des sublimes contrastes à la voix de guide de Max, des discussions décomplexées aux réflexions sur le sujet du film par les plus concernées, il est question d’une œuvre qui mérite toute notre attention la plus poussée.

SKP
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Créée

le 19 août 2024

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Enzo

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