[Publiée le 11 Novembre 2023 sur Un Certain Cinéma]


A la question « Qu’est-ce que la fin du monde ? », il ne serait pas surprenant d’entendre de nombreux films être cités, ils seront hollywoodiens, auront des budgets plus que conséquents, mettront au centre du récit la figure du père héros, les valeurs de la famille et il ne serait pas surprenant non plus que le personnage principal survive au final avec sa femme et ses enfants dont il aura secouru l’un d’entre eux afin de confirmer qu’il assume enfin son rôle de père. Néanmoins, il serait hypocrite d’accuser uniquement les américains d’un goût du spectaculaire surprésent ; déjà en 1916, en Europe, plus précisément au Danemark, une envie de représentation du spectacle était visible par l’intermédiaire d’un film qui porte bien son nom, La Fin du Monde, réalisé par August Blom. L’effet et la technique ont une place très importante dans ce film catastrophe, mais il se démarque du film type « cahier des charges » hollywoodien évoqué précédemment par le remplacement de la figure du père par celle de l’amant courageux, et par conséquent, les valeurs de la famille par celles propre à l’amour. Ce film se détache aussi par une forme de complexité de son récit, et le choix de questionnements sociaux et moraux, avec un peuple se révoltant avant la catastrophe contre une bourgeoisie perverse qui organise une orgie alors qu’une météorite se rapproche de la Terre. D’ailleurs, l’idée que la fin du monde serait causée par un élément extérieur, spatial, est aussi assez répandue, comme le montre, un siècle plus tard, un autre cinéaste danois, Lars von Trier, avec Melancholia. Pourtant, cette œuvre-ci trouve son originalité dans son traitement par la présence des thématiques et questionnements qui obsèdent le réalisateur et traversent sa filmographie ; Melancholia est assez difficilement qualifiable de film catastrophe, tant le genre est au service du style de Lars von Trier ; d’ailleurs, il construit son film comme une opposition, un miroir où la seconde partie se sert du genre catastrophe pour élever le récit réaliste, presque naturaliste, à un récit dont la portée se trouve être plus symbolique.

Il est évident que la question « Qu’est-ce que la fin du monde ? » a intéressé le cinéma, mais il ne serait pas honnête de la ranger dans la case des pitchs pour blockbusters tant des cinéastes, auteurs de par leurs styles, leurs obsessions et leurs thématiques, se sont interrogés sur le sujet ; d’ailleurs, bien plus que simplement cette interrogation, les artistes se demandent « Qu’est-ce que la fin du monde dit de nous, de notre condition, notre rapport même au monde existant ? ». Un cinéaste particulièrement s’y est intéressé tant la question de la condition humaine est une des thématiques principales de son œuvre, il s’agit de Béla Tarr, avec Le Cheval de Turin, qui, comme un comble vis-à-vis du sujet abordé, se trouve d’être également le film qui conclut sa filmographie. Au sein du long-métrage, la question du territoire ainsi que celle du rapport entre les personnages et celui-ci sont primordiales. La mise en scène du cinéaste hongrois devient alors un outil de représentation de l’apocalypse qui s’adapte aux préoccupations de ce dernier qui traversent son œuvre quant à l’Homme, sa condition et son rapport à un monde qu’il ne peut comprendre.


Il est d’abord possible de s’intéresser à la manière dont Béla Tarr ouvre le film : le choix d’un générique silencieux sur fond noir, puis l’écran demeure ainsi et fait écho à la fin du monde avant même qu’elle ne soit supposé par le décor ; un narrateur prend place dans le silence. Déjà, une discordance est remarquable ; l’impossibilité d’entendre et de voir en même temps est le premier des nombreux conflits qui guident l’œuvre, marquant la disharmonie d’un monde qui va à sa perte, accentué par le choix d’évoquer comme point de départ du récit l’épisode célèbre où Nietzsche pleura au cou d’un cheval, ce avant quoi il perdit la raison et n’écrivit plus jamais. Le narrateur achève ses paroles en précisant que personne ne connaît la suite de l’histoire pour le cheval, le premier plan du film met en scène un cheval tirant une voiture. Béla Tarr joue évidemment du montage : il est facilement constatable qu’il n’y a aucun lien concret entre ces deux chevaux : le film prend place en Hongrie, comme le prouve la langue parlée ou encore la boisson consommée par les protagonistes, et non à Turin, le fermier ne porte pas un des trois noms cités par le narrateur pour accuser celui qui a frappé la bête. La légende et le réel se retrouvent dans des symboles, un cheval, des messages, la fin de la sagesse : le philosophe perd la raison, l’homme la volonté de vivre, une si faible différence.

Les premières images ne sont pas encore apparues que Béla Tarr a déjà posé toutes les thématiques qui guident l’œuvre : d’abord cette dissonance d’un monde qui se décompose ; ensuite la perte de la raison dont la tirade du villageois fait écho par la suite, avec la question de la croyance, mais aussi de la condition et de l’impuissance de l’Homme. Ainsi, ouvrir son film par un monologue sur un philosophe qui perd la raison n’est en rien anodin, cela marque l’intérêt profond du cinéaste pour un monde qui ne peut faire sens pour l’Homme, son incapacité à le comprendre, une adéquation, un conflit permanent même. Le hasard faisant bien les choses, le philosophe en question se trouve être Friedrich Nietzsche, ayant beaucoup réfléchi sur des questions qui peuvent renvoyer au film : principalement le nihilisme, qu’il décrit comme le jugement d’un monde qui ne fait pas sens tel que nous le concevons, et jusqu’à même la destruction de ce monde, des codes de représentations que nous en avons fait ; mais aussi ses idées à l’encontre de la religion, qui ne sont pas sans rappeler les questions métaphysiques qui traversent l’œuvre de Béla Tarr mais qui renvoient aussi à cette même scène du villageois et questionne notre rapport au monde.


Néanmoins, le film poursuit sur un plan séquence où, comme précisé, un cheval fait sujet et dans lequel la musique est omniprésente. D’abord, sur la composition de Mihály Víg, qui collabore pour la cinquième fois avec le cinéaste, il est possible de noter plusieurs détails. Premièrement, son caractère répétitif qui annonce déjà les répétitions des actions du quotidien, tel un rituel pour le cocher. Pour autant, cette répétition se marie avec l’idée de filmer l’intégralité de ce plan, le seul du prologue par ailleurs, en plan séquence, témoigne d’un sentiment de langueur que le cinéaste cherche à mettre en évidence dès le début, créant dès lors une atmosphère propice à la compréhension de cette fin du monde. Cette langueur est d’autant plus forte que les notes utilisées par Mihály Víg sont particulièrement longues et graves. L’idée de dissonance est aussi présente dans cette composition et renvoie au monde qui se désintègre progressivement déjà évoqué.

Ensuite, sur les mouvements de caméra, il est intéressant d’évoquer le choix d’ouvrir par un travelling arrière, un mouvement du recul, tel un retour au point de départ, au foyer, la ferme du cocher et de sa fille qui est d’ailleurs le seul lieu du film. Ce retour à la maison par un chemin brumeux où l’horizon n’est pas visible témoigne d’une sensation de solitude et d’emprisonnement que confirme par la suite l’annonce du villageois comme quoi le village n’existe plus, un village qui n’a jamais été vu, mais dont l’inexistence actuelle est déjà ressentie alors même le début de l’œuvre. De plus, le rôle de ce prologue est également de rendre compte de l’apocalypse, de la fin du monde proche, et certes le décor brumeux donnent un ton recherché de néant ou même le fait de marcher contre le vent pour renforcer les conséquences sur les poils de la bête et les cheveux de l’homme sont des indices importants de la notion de catastrophe imminente, mais il est d’autant plus intéressant de constater le choix de Béla Tarr de ne stabiliser en aucun cas la caméra, ce qui est assez intriguant dans son œuvre qui a évolué vers de long plans millimétrés, des travellings extrêmement fluides, précis. Ici, la caméra n’arrive jamais à cadrer correctement son sujet en mouvement, elle semble pousser à chaque fois par le vent : elle a un temps d’avance ou de retard, décentre le sujet qui se retrouve bord cadre, voire coupé à l’image. Il y a une impossibilité de stabilité qui est présente lorsque la caméra est loin du foyer, comme s’il s’agissait d’un dernier lieu où les protagonistes étaient protégés, là où le monde extérieur n’est plus vivable, est devenu un danger pour ceux-là. Il peut aussi être noté d’ailleurs que le cinéaste tente de réaliser des travellings plus larges au sein de ce prologue, mais ceux-ci se voient déranger par une épaisse couche de brume qui empêche de se rendre compte de la maîtrise technique, ou des arbres, des éléments du décor, et à cela s’ajoute le temps de retard ou d’avance permanent que la caméra entretient avec ses sujets, qui rappelle encore une fois la désunion, la décomposition progressive des diverses éléments qui fabriquent le monde, celui du film dans ce cas précis.

Au-delà d’une référence permise par le titre ou l’anecdote sur Nietzsche, ouvrir sur ce cheval en mouvement a aussi un enjeu dramatique de mise en évidence d’une dépendance de l’homme vis-à-vis de l’animal dont la force lui permet le déplacement dans l’espace. Le cheval a un rôle majeur tant le fait de le présenter dès le début tel un véhicule renforce l’emprisonnement des protagonistes lorsqu’il ne pourra plus par la suite. Le cheval condamne le père et sa fille.


Les conflits sont omniprésents dans le film : ils témoignent du monde qui ne fait plus sens, qui ne fait plus un, bien au contraire, il est dans un processus de désintégration. Ces conflits sont très importants puisqu’ils permettent de préparer à l’idée de fin du monde tel que le conçoit Béla Tarr pour son final. Il était impossible de passer outre jusqu’à présent tant ils composent l’œuvre de manière si importante, néanmoins, il est nécessaire de s’y intéresser plus en détails tant le territoire et sa représentation en sont composés.

Afin d’évoquer une dernière fois le traitement sonore, il y a opposition permanente entre la composition et le son de l’univers du film ; parfois l’un recouvre l’autre jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de l’entendre, d’autres fois ces deux couches se superposent et se détruisent presque tant l’effet que la musique a seul est atténué par les bruits du vent qui eux-mêmes perdent de leur impact de par la présence de cette même musique, comme une impossibilité de cohabiter.

Les conflits se retrouvent également au niveau des mouvements de la caméra : plan fixe assez large, recouvrant aisément tout un mur de la maison, contre mouvements qui ne sont pas sans rappeler le prologue et la difficulté pour la caméra de centrer le sujet, comme en témoigne les séquences d’extérieur, par exemple lorsque la fille se déplace vers le puit. Par conséquent, il est même possible d’aborder un conflit entre le calme de l’intérieur et la tempête à l’extérieur qui a un fort impact sur la caméra et ses mouvements. Il est d’ailleurs tout à fait intéressant de se concentrer sur le plan-séquence qui ouvre le deuxième jour du récit : la fille se couvre avant de sortir, ouvre la porte, se déplace jusqu’au puit, récupère deux fois de l’eau, revient dans la maison puis ferme la porte et retire son manteau. Ainsi, sans aucune coupe, la caméra navigue, fait deux voyages, le premier de l’intérieur vers l’extérieur et un second qui est le chemin inverse, ce qui est particulièrement remarquable est la rupture que provoque le passage par la porte dans la lisibilité de l’image et la stabilité de la caméra.

Néanmoins, il est également possible d’aborder un autre conflit qui, une nouvelle fois, fait sens par rapport à la question intérieur/extérieur, il s’agit de l’éclairage. L’intérieur est sombre, de petites fenêtres permettent de l’éclairer, la nuit ce sont des lampes peu puissantes semblables à des lanternes qui remplacent la lumière du jour. A contrario, l’extérieur est presque en surexposition, Béla Tarr use d’ailleurs de manière importante la contre-plongée en extérieur pour que le ciel extrêmement clair soit d’autant plus ressenti et dérangeant, sans doute pour faire parvenir au spectateur de la scène la difficulté pour l’Homme d’intégrer ce monde, ce territoire sur lequel il tente de survivre, ce qui est pour les personnages est accentuée par les rafales de vent.

Le territoire est ainsi une véritable source de conflits pour l’Homme, alors qu’au sein du foyer, le fermier et sa fille semblent presque protéger, le monde extérieur qu’ils ne peuvent négliger pour leur survie est une épreuve qui épuise les protagonistes jour après jour. D’ailleurs, à l’extérieur, le vent glace les visages, à l’intérieur les pommes de terre et le four réchauffent les mains. Une des grandes oppositions est aussi liée à cette question du confort menacé par ce monde qui s’approche de la fin.


La porte est un passage entre ces deux univers présentés qui s’opposent, la fenêtre également. Alors que la porte témoigne d’un déplacement visible et concret qui impacte la caméra et les personnages, créant un conflit de mouvements aussi bien par ceux de la caméra que par ceux au sein du cadre par ailleurs, la fenêtre est quant à elle synonyme d’une projection plus révélatrice des protagonistes. En effet, il est possible de constater de longs plans dans lesquels, le père ou la fille fait face, à travers cette ouverture sur le monde, à l’apocalypse et révèlent leur impuissance. Ces plans sont d’ailleurs accompagnés de la fameuse musique dont nous avons déjà évoqué la capacité à retranscrire un sentiment de langueur qui reflète aussi bien l’état du monde que celui des personnages. Il est d’autant plus intéressant de se rendre compte que ces mises en valeur de la fenêtre comme lien avec le monde prennent place lors de temps d’attente comme la cuisson des pommes des terres par exemple, de plus, il n’est pas surprenant non plus que ces séquences soient filmés en plan fixe, ou du moins avec très peu de mouvement, au pire un lent travelling avant qui se dirige vers cette fenêtre, comme une absorption du personnage qui perd son regard dans ce monde qui ne fait plus sens et dont il ne sait par quels moyens s’y rattacher.

Par ailleurs, c’est à travers cette même fenêtre que le seul habitant avec lequel les protagonistes interagissent est vu s’éloigner progressivement de la maison, comme pour observer que cet homme, dernière preuve de la présence humaine sur ce territoire, est déjà condamné, sur le départ lui aussi, au même titre que la ville, le village qu’il décrit comme détruit, il appartient à ce monde perdu.

Sa tirade est particulièrement intéressante puisque cet étranger évoque l’inverse total de ce que nous pouvons supposer : là où le cataclysme peut sembler coupable, il invoque l’idée que l’Homme s’est détruit lui-même, comme une forme de folie. Ce détachement du monde l’a mené à l’autodestruction, à sa propre perte. Progressivement, il évoque un cycle qui se répète jusqu’à être arrivé à un stade trop élevé, celui de l’emprise de l’Homme sur lui-même, de sa destruction volontaire et consentante. La musique répétitive entre en scène également : elle n’est plus juste synonyme d’un sentiment de fin à la violence lente et extrême, ni simplement l’accompagnement de la routine de (sur)vie du père et de sa fille, désormais, elle est associée à cette répétition des actes barbares de l’humanité qui en paie désormais le prix, tel le dernier « jugement dernier ».


Par la suite la question de la folie des Hommes est renforcée par l’arrivée des tsiganes, aussi vus par la fenêtre, déambulant, ne cherchant plus le sens du monde ; d’ailleurs la dernière interaction entre la fille et les habitants du monde extérieur est l’échange d’un livre religieux duquel cette dernière est amené à lire par la suite un extrait sur les interdits et le respect du lieu sacré.

Lorsque les deux protagonistes font le choix de s’en aller, il peut être constaté sur le plan large final le travelling avant qui témoigne de cette volonté d’avancer, de changer du territoire, puis le travelling arrière marquant cette impossibilité, une impasse, et la condamnation finale de ces derniers. Ce fait accentue l’inexistence de leur rapport aux autres, marquant leur solitude dans ce monde ; le père a renvoyé le villageois qu’il a traité de menteur, puis les tsiganes en les menaçant à la hache, après les avoir insultés : eux ne sont capables d’aller vers l’autre, le nouveau, qu’ils s’agissent des habitants ou du territoire, et se renferme sur eux-mêmes, précipitant la fin de leurs rapports aux individus. D’ailleurs, à la suite de cet échec, la tentative d’évasion du père et de sa fille, le rapport à la fenêtre prend un tout autre sens, cette fois-ci ce n’est plus l’intérieur qui se projette vers l’extérieur, mais l’extérieur qui emprisonne l’intérieur, un retournement renforçant leur condamnation : vue depuis la tempête sur la femme ou gros plan où la fenêtre ne semble plus exister dont le vent aveugle toute vue possible.

Ce qui a poussé la décision de ce départ précipité est l’épuisement mystérieux du puits. L’eau n’existe plus, le motif liquide est à sa perte comme le témoigne le plan sur la table où deux verres vides sont posés, accompagnés par une bouteille qui n’est guère plus remplie. Le villageois avant quant à lui évoqué le vol de la terre aux Hommes. La fin du monde se rapproche lorsque le feu, qui avait une grande importance puisqu’il éclaire, chauffe, cuit et par conséquent est vital à la (sur)vie des protagonistes, ne prend plus. La fin du vent concrétise la fin du monde.

Les quatre éléments, composants de l’univers, ne sont plus : ils disparaissent et si ce qui compose le monde prend fin, alors le monde lui-même prend fin. C’est en effet d’abord par la symbolique que Béla Tarr met en scène la fin du monde.

D’un point de vue cinématographique, cela se traduit par la disparition de la lumière à l’image, de la lumière extérieure dans un premier temps puis des lampes par la suite, mais aussi par la disparition de la musique. Le choix du moment est particulièrement intéressant : l’Homme regarde par la fenêtre, symbolisant bel et bien que désormais, même par une vue de l’intérieur, c’est le dangereux et hostile monde extérieur qui prend le dessus. La musique revient néanmoins accentuer les multiples et vaines tentatives de rallumer les lampes qui s’éteignent une à une, puis disparaît aussitôt la lumière absente à nouveau.

Un autre choix fort de Béla Tarr est la réapparition du narrateur : en effet, la fin du monde semble correspondre parfaitement à la destruction des composants cinématographiques : l’image et le son. Il recourt alors à des procédés littéraires, le narrateur, la description des actions.


Alors qu’il n’y a plus rien, Béla Tarr offre néanmoins un dernier conflit.

Alors que le vieil homme, le père, tente de continuer sa routine de vie, la fille refuse de manger, le monde l’a condamnée à l’obscurité éternelle, à ne plus pouvoir l’habiter ; elle accepte sa condamnation, son rapport à cette terre, ce monde, ce territoire qui est désormais impossible retire tout sens à sa vie, l’incitant, par-delà la fin du monde, à la fin de sa vie.

Comme un symbole, Béla Tarr achève son œuvre sur un fondu au noir après avoir constaté longuement que le père prend finalement la même décision.


Ainsi, à travers Le Cheval de Turin, Béla Tarr use d’une fonction de décomposition lente à la fois à la portée symbolique, à la portée cinématographique et à la portée réaliste du monde. A travers ce récit de six jours, il met en scène la fin de l’interaction avec l’autre, la fin de la croyance, la mort des éléments composants l’univers, l’annihilation de tout espoir d’évasion, une progression jusqu’à ce qu’un père et sa fille, tels les derniers survivants ne peuvent résister à cette perte progressive de sens à leur vie par la destruction de leur lien avec le territoire.

Le Cheval de Turin témoigne en tant que film de cette possibilité pour les auteurs d’user de la fin du monde pour mettre en scène des thématiques qui les obsèdent, et ici, plus symboliquement, réaliser une ultime œuvre dans sa filmographie. Béla Tarr se justifiait en partie par la peur de se répéter par la suite, ce qui semble assez compréhensible tant il est allé loin dans la représentation du désespoir de l’Homme et la condition humaine violente et tragique.

Il est possible de se remémorer les mots du villageois une dernière fois : « Ça c’est passé comme ça jusqu’à la victoire finale. La fin triomphale. », néanmoins, comme annoncé, l’Homme n’est pas le vainqueur de ce combat.

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le 19 août 2024

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Enzo

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