Davantage connu Outre-Atlantique depuis sa diffusion lors de l'émission culte Mystery Science Theater 3000, Hobgoblins a gagné au cours des années le statut peu enviable, auprès d'un autre métrage devenu culte bien malgré lui aux États-Unis, Manos : The Hands Of Fate, d'être distingué comme un des pires films jamais réalisés. Énième relecture opportuniste (et produite à l'arrache) du fameux Gremlins de la paire Dante / Spielberg, Hobgoblins apparait en effet dès ses premières minutes comme le dernier avatar dégénéré d'une série initiée dès 1984 avec les Ghoulies, puis les Critters (1986) et enfin les Cormaniens Munchies (1987). De quoi en somme satisfaire les déviants les plus acharnés et mentalement atteints ? En quelque sorte.
Responsable de cet attentat cinématographique (contre toute attente, le film n'a pas été édité directement en vidéo), l'exécutant et commanditaire est une seule et même personne : Rick Sloane. Self-made man et touche-à-tout passé maître dans la culture du navet ultra cheap, ce digne (?) héritier d'Ed Wood n'en demeure pas moins, à l'instar de son aîné pré-cité, un personnage plutôt attachant. Resté fidèle à ses goûts d'adulescent, Sloane se caractérise, en dépit des critiques et railleries cinglantes dont il fait l'objet, par un talent inversement proportionnel à l'énergie qu'il déploie pour mettre en scène et produire ses films depuis 1984 et le dénommé Blood Theatre.
Au titre de nouvel agent de sécurité, Kevin (Tom Barlett) est en charge de la surveillance d'un ancien studio hollywoodien laissé plus ou moins à l'abandon, dont son collègue fatigué McCreedy (Jeffrey Culver) fut le témoin jadis de sa grandeur. Ce dernier lui explique alors les ficelles du métier : "c'est pas compliqué, il suffit de suivre les couloirs, et puis il ne se passe jamais grand chose". Cependant, il tient à le mettre en garde. Il existe un endroit où Kevin se doit de rester à l'écart pour des raisons supposées de dangerosité. Le soir suivant, un inconnu malintentionné s'introduit dans les locaux. Tandis que McCreedy va prévenir la police, Kevin part le localiser. Persuadé que le voyou s'est glissé dans la zone « interdite », le jeune homme ouvre la chambre forte de la pièce (qui n'est bien sûr pas fermée !). Trop tard. Des créatures s'y échappent et quittent les lieux au volant de la voiturette des vigiles. Provenant de l'espace, celles-ci ont la capacité d'exaucer les vœux secrets de n'importe qui, dans le seul but de tuer la personne. Le mal est ainsi libéré après trente ans d'emprisonnement. Trop vieux, McCreedy demande à Kevin de les retrouver, et de les détruire avant l'aube car "à la lumière du jour, il sera trop tard, tu ne sera jamais capable de les arrêter...".
La formule a fait souvent florès pour définir l'insondable. Pourtant, force est de constater que ce troisième long métrage de Rick Sloane ne touche pas que le fond, il en redéfinit également la profondeur : un gouffre abyssal. Certes, le préambule et la mort du précédent assistant de McCreedy, le jeune et décérébré Dennis, annonçait clairement à quoi il fallait s'attendre. Cet imbécile heureux avait ainsi, contre les recommandations de McCreedy, pénétré dans la chambre forte (restée ouverte pour rappel - Merci McCreedy). Accueilli par quelques grognements mystérieux, le benêt s'était vite retrouvé sur une scène (?!), micro à la main, imitant avec une médiocrité non feinte le meilleur de l'abécédaire du frontman eighties (la tignasse permanentée en moins)... avant de mal négocier un stage diving involontaire à l'issue cruellement fatale.
Cependant rien n'indiquait le choc visuel à venir : la première apparition des Hobgoblins. Ces marionnettes semi-pelucheuses et quasi-statiques (les vibrations de la voiturette à défaut de faire illusion font bouger un tant soit peu ces viles créatures), non contentes de défier les lois du copyright, synthétisent la maîtrise portnawakienne de son auteur (ce dernier n'hésitant pas, le temps d'un flashback, à offrir à l'assistance un clin d’œil savoureux à son précédent métrage, The Visitants. Hum...). Pantalonnade stérile appartenant à la catégorie des films dangereux pour la santé mentale, Hobgoblins se fait également fort de proposer une brochette de personnages secondaires (et d'acteurs en roue libre) miroirs d'un récit d'une prodigieuse bêtise. Miam. Du héros falot à sa petite amie prude Amy, en passant par ses amis Kyle, amoureux du téléphone rose, Daphné la simili-nympho et Nick son copain militaire, Sloane ne nous épargne rien. Tant mieux. A ce titre, les amatrices de joute virile, à l'image d'Amy et Daphné, sauront apprécier à leur juste valeur le combat opposant Kevin et Nick, et de savoir enfin du râteau ou de la bêche, quelle est l'arme la plus efficace en milieu jardinier hostile.
Point d'orgue, ou de non retour, de ce nanar (le mot est enfin lâché) toxique après plusieurs attaques pelucheuses, la scène de la prétendue boîte de nuit, le Scum Club (re: hum). Venus sauver Amy en proie aux pouvoirs néfastes des bestioles from the outer space, Kevin et ses trois amis découvrent le désir inavoué de la pudibonde Amy : celui de devenir la première stripteaseuse puritaine. Peu importe, Amy a d'autres vices cachés : "j'ai envie que vous me salissiez, que vous renversiez vos consommations sur moi" (4)(re: miam). Passé la prestation du groupe de rock The Fontanelles, et un épilogue guerrier où Nick donne une fois encore la pleine mesure de son talent martialo-pouet pouet, tout notre petit monde, créatures rescapées en sus, retournent finalement au studio pour admirer cette fois-ci les talents d'artificier du néo-renvoyé McCreedy. Ne reste plus qu'à Amy et Kevin de tester les amortisseurs du van de Nick, et à Kyle de nous servir son running-gag préféré en demandant la permission pour téléphoner à son amie imaginaire. Classe.
Horreur absente (qui s'attendait sérieusement à se repaître a minima d'un peu de sang ?), humour perdu dans l'espace, Hobgoblins est à conseiller de prime abord aux déviants férus d'énigmes et autres questions existentielles. N-y-a-t-il pas une raison inavouable qui pousse le vieux McCreedy a ne pas fermer à clef cette satanée chambre forte, alors que nombres de ses jeunes collègues ont trépassé faute d'avoir suivi ses conseils ? Devons-nous raisonnablement croire que cette histoire est intentionnellement incohérente ? Les intentions décalées et parodiques de Rick Sloane ne sont-elles pas trop subtiles pour le commun des mortels ? Tant de questions restées à jamais sans réponse (à moins d'avoir le courage de le visionner une seconde fois...) et qui le resteront sans doute à jamais. Terrib'.
Si Rick Sloane n'est pas Fred Olen Ray (qui lui a au moins une ambition, celle de nous montrer des demoiselles avec ou sans bikini), l'homme mérite vous conviendrez amplement une réévaluation en matière de déviance filmique, d'autant plus que le monsieur nous a gratifié en 2009 d'un making of, Hobgoblins: The Making of a DisasterPiece, et d'une séquelle Hobgoblins 2.
A découvrir. Pour le pire, et surtout pour le pire.
http://www.therockyhorrorcriticshow.com/2015/01/hobgoblins-rick-sloane-1988.html