La télé c'est un objet dont on peut faire une critique réac comme une critique de gauche en lui faisant à peu près les mêmes griefs. Etrangement le film évoque plusieurs fois des motifs politiques, comme s'il était prêt à se les approprier, et finalement c'est pour mieux les rejeter, comme s'il s'agissait vraiment de dire que le problème c'est pas du tout la politique.
Mais c'est quoi alors ? Quel discours critique on peut proposer sur la télé si on refuse de poser le problème dans des termes politiques ? Forcément ça produit un film bête, aveugle aux causes de ce qu'il dénonce. On demande aux présentateurs d'être plus "gentils", aux spectateurs de retrouver leur "bonté", et puis on élargit le propos en pourfendant les gens qui parlent au ciné pendant les films et aux enfants capricieux qui veulent un iPhone dès leurs 10 ans. Bref, c'était mieux avant et aujourd'hui le problème c'est que les gens savent plus se tenir. Il faudrait que les USA retrouvent la vraie télé, la vraie morale, pour qu'on vive à nouveau en harmonie dans la vraie Amérique. Tous les droitards construisent ce genre de récits nostalgiques. Encore une fois c'est parce qu'ils sont aveugles aux causes. Les Etats-Unis n'ont jamais été cet eldorado où les gens se respectaient, la télé ça n'a jamais été ce divertissement neutre et inoffensif, et le capitalisme américain moderne n'a jamais eu d'autre idéal que la fabrication de consommateurs hébétés qui voguent entre travail aliénant et loisir aliénant. Y a pas de paradis perdu. Y a des causes qui continuent d'aboutir aux mêmes conséquences.
On est bien obligé d'accuser le film des mêmes défauts que son personnage, tant il manque de distance vis-à-vis de Frank. On lui prête tout le long du film une droiture à peu près impeccable. Il est viré parce qu'une femme le fait passer pour un harceleur alors qu'il a été très gentil à l'écran (dans cette séquence aussi y a un potentiel réactionnaire évident), il maintient une distance très stricte avec sa complice de 16 ans (que le film ne manque pas du même coup de sexualiser, parce que pour résister à une tentation il faut bien inventer une tentation), résiste face à son insistance à elle quand elle veut tuer des gens, assurant qu'il ne tuera que "ceux qui le méritent"... Que faut-il conclure, du coup, de ces massacres à répétition ? Quelle distance critique, quelle ironie ? On peut considérer que ça va de soi, que ça peut pas être une apologie du terrorisme vu que le propos est noble et que Frank veut que les gens soient gentils. Mais absolument rien n'indique ça dans le film.
Dommage, parce que malgré une réalisation complètement négligée y a quelque chose d'assez touchant dans l'affection qu'ils se portent, dans le duo qu'ils forment