Cette scène initiale, dans une soirée où le couple ne connaît personne et finit par se séparer pour voir chacun frôler l'adultère, semblait introduire un film où l’ambiguïté du sentiment amoureux et le rapport à l'exclusivité malmèneraient ce couple. Le mari découvre pour la première fois ce qu'est la jalousie et s'en ira voir un peu partout en ville les opportunités d'infidélité qui lui sont offertes - après quoi Nicole Kidman se fait étonnamment rare à l'écran - jusqu'à tomber sur cette soirée masquée, après une heure de film, qui va devenir l'intrigue du film.
A partir de là, je n'ai plus compris comment Kubrick comptait lier ces deux récits qu'il venait de superposer, celle d'un mariage en perte de repères et celle d'une espèce de secte où la débauche et la perversité semblent être la loi. Le couple ne va presque plus chercher à répondre à ses désirs d'ailleurs et le mari va prendre toute la place, obnubilé par la soirée dont il a été le témoin. Le revirement brutal du scénario paraît assez gratuit mais Kubrick sait raconter une histoire, et j'ai suivi avec appétit les recherches du mari.
Mais Kubrick ne donne aucune réponse à l'intrigue qu'il a ouverte et à laquelle il a consacré une grosse moitié de son film. Le discours final de l'épouse ressemble à une tentative d'assemblage des deux faces du film, mais c'est fait avec assez de maladresse pour rendre cette fin particulièrement insipide et, par ailleurs, assez incompréhensible. Que veut-on nous dire, sinon que la tentation extraconjugale ne mérite pas qu'on y succombe et regorge de terreurs? Est-ce seulement l'éloge du foyer, de la sécurité, de la sédentarité? Au-delà du fait que ce propos me paraît bêtement conservateur, c'est aussi très faible sur le fond. J'imagine que j'ai mal compris, qu'il y a autre chose à interpréter, mais après un peu de réflexion et un peu de lecture, l'incompréhension subsiste. Que cherche-t-on à nous dire de la femme et de l'homme et pourquoi l'épouse, qui a instillé le doute la première, disparaît-elle presque entièrement du film jusqu'à la conclusion, dont elle seule se charge finalement ? Elle ouvre et elle referme le sujet, et entre temps, c'est le mari qui se débat dans des aventures absurdes et hors sujet...
Par ailleurs je suis moyennement convaincu par les prestations de Kidman et Cruise, pas aidés non plus par des dialogues très écrits et difficiles à déclamer.
Reste que la mise en scène m'a plusieurs fois paru assez puissante, à en croire mes maigres capacités d'analyse en la matière. Le film a pour lui une belle image, et aussi un certain rythme, fait de scènes très étirées