A travers son documentaire dans une petite ville choisie au hasard et ses habitants interrogés au fil des rencontres, Louis Malle peint une Amérique entrant dans les années 80 de manière optimiste. On ne peut nier le caractère accueillant et loquace des américains, la caméra leur étant presque naturelle. Ils parlent volontiers de leur famille, conjoint, enfants, logement ou travail. Cependant derrière cette entente générale se cache de très nombreuses divisions. Glencoe est une ville blanche, républicaine, agricole et protestante. Cela sous-entend des tabous profonds. L'homosexualité n'y est pas acceptée, les Noirs non plus. Des couplent se marient à 17 ans lorsque d'autres, des esprits libres épris de théâtre, approchent de la trentaine et ne se voient pas bâtir une famille simplement pour ressembler aux autres. Toutefois, on sent une ville soudée et homogène dans les grandes lignes.
Quand Louis Malle retourne à Glencoe 6 ans plus tard, au milieu des années 80, rien ne semble avoir bougé. Mais seul l'urbanisme n'a pas vieilli.
Les préoccupations des habitants ont recouvert leur optimisme. Reagan a déçu. Les parents s'inquiètent du sort de leurs enfants, se plaignent de la baisse du prix de leur production comprenant qu'il sera nécessaire à la survie de leur ferme que d'autres ferment. Les questions économiques, qui étaient déjà présentes en 79 mais de manière secondaires, sont maintenant au premier plan. Les habitants ne parlent plus que de ça. Cette morosité fait ressortir les fractures, qui ne sont pas apparues sous Trump. Il y a l'exemple de cet exploitant agricole qui explique que ce sont les juifs qui contrôlent le prix du blé, qu'il faut s'armer et ne plus payer les taxes et qu'une révolution aura lieu cet hiver. Tout le lexique du complotiste.
Louis Malle nous montre que même au pied du mur, l'Américain arrive encore à considérer l'économie comme une loi naturelle ou divine. C'est le propre du fascisme que de rejeter la faute sur un groupe déterminé, plutôt que de remettre en question le mode de production et le régime de propriété. Ainsi, lorsqu'une Amérique conservatrice et fermée sur sa communauté particulière est financièrement déprimée, il suffit de peu pour faire ressortir ce qu'il y a de plus diabolique au pays de Dieu.