Décevant. Soporifique. Un monstre discret. Un manque d’action. Voilà ce que l’on entend le plus souvent au sujet de ce Godzilla (2014). Pourtant, l’œuvre de Gareth Edwards s’apparente plutôt à un gigantesque gâteau d’anniversaire pour le genre monstre en général. A un hommage chaleureux pour le Père de tous les Kaijus.


Soixante ans après le classique de 1954, Gareth Edwards entreprend l’ambitieux projet de réveiller Godzilla et cela à une époque où les remakes, les suites, et les reboots saccagent les œuvres initiales les plus honorables. On pourrait alors crainte à la mise à mort d’une nouvelle icône du cinéma. Il n’en est heureusement rien. Le réalisateur a semble-t-il mis sa casquette de fan pour marier dans son œuvre tout le charme et la poésie de ces films de monstres en noir et blanc avec des méthodes technologiques modernes.


Les réalisateurs de l’époque comme Ishiro Honda l’avaient bien compris, pour faire un bon film de monstres il faut s’écarter des visions surréalistes en liant intimement l’Homme et le Monstre au sein de l’intrigue. Ce procédé puise toute sa force dans sa manière de suggérer la présence et la puissance du monstre même si la caméra n’est pas focalisée sur lui afin de développer son aura dans les bureaux et les villes où les humains s’inquiètent et se questionnent. Puis, de concrétiser finalement tous ces dialogues lors de l’apparition du monstre pour un résultat plus époustouflant encore. C’est précisément ce parti-pris qui plongea ce Godzilla dans la disgrâce des spectateurs. Pourquoi ? Sans doute parce que nous sommes dans une ère de blockbusters et que l’action est un critère obligatoire pour atteindre un certain succès. Or, il est difficile pour la plupart d’intégrer l’idée que le film de monstres n’est synonyme ni d’explosions répétées ni d’actions constantes. La vision d’Edwards est celle de conserver l’échelle humaine afin de garantir le gigantisme et la noblesse des monstres. Dans tous les domaines, et notamment celui de la narration, il s’agit de rester dans cette logique de filmer l’arrivée des monstres du point de vue de l’humanité plutôt que centrer l’attention sur les monstres en eux-mêmes.


Indéniablement, le film se range dans la pure tradition de la mythologie des anciens Kaijus. C’est une intelligence qui permet de constituer une réalisation prenante et esthétique. Le film prend le temps nécessaire pour poser son univers et son intrigue, et donc toutes les apparitions de Godzilla sont attendues et tapent systématiquement dans le mille. Cela passe surtout par montrer progressivement un colosse de 108 mètres où les valeurs d’échelle font honneur à sa taille et à sa puissance. La patte, le dos, la queue, la tête. Puis vient alors son cri, le cri mythique de Godzilla. Impossible de détourner le regard quand un véritable Dieu impose le respect dans des scènes époustouflantes et marquantes. On se souviendra pour longtemps encore de la scène de parachutage au-dessus d’une ville en feu où règne le chaos, ou de ce moment iconique où Godzilla débarque pour la première fois et qu’un simple bruit de pas impose un silence total.


Au-delà de ces instants de bravoure à couper le souffle, il y a aussi le relâchement total de l’action que tous les spectateurs mécontents espéraient pour la séquence finale. En vérité, si le film avait été davantage tourné vers l’action gratuite cette séquence n’aurait jamais eu le même impact. Toute cette attente de voir un combat qui ne cesse de repousser son rendez-vous est finalement bien récompensée lorsque l’affrontement ultime s’engage enfin. Hurlements virils, souffle chaud comme l’enfer, et une notion de l’héroïsme qui redonne ses lettres de noblesse à un monstre culte bien trop souvent malmené par le passé.



Conclusion



Sans doute que ce Godzilla aurait eu davantage de succès si Gareth Edwards avait décidé de marveliser une autre icône du cinéma. Pourtant, cette nouvelle version a du sens en faisant le mariage improbable mais efficace des méthodes des anciens films de monstres avec les technologies modernes. On y gagne un film avec des propositions esthétiques intéressantes, une œuvre presque innovante au milieu de concurrents qui clonent sans relâche les critères les plus éculés, et un Godzilla qui se réapproprie ses lettres de noblesses. Finalement, ce film est le plus beau cadeau qu’il est possible de faire pour tous les fans de Godzilla.



Let Them Fight


JasonMoraw
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le 4 févr. 2022

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Death Watch

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