L’alternative pour exporter une production asiatique chez les occidentaux est une opération délicate, notamment lorsque l’on remanie des histoires qui traitent du fléau nucléaire, rejeton illégitime d’une nation reconnue coupable. Terry Morse se charge de tourner des scènes de substitution et de monter une nouvelle structure narrative, afin d’accueillir le reptile radioactif et de le présenter à un public avide d’action. À partir de là, le travail d’Ishirô Honda et de son équipe perd de sa grandeur, tout comme Godzilla et les justifications sur son existence. À vouloir s’approprier une œuvre comme celle-ci, Morse perd parfois le fil du sujet, en y insérant une ironique american touch au cœur d’une tragédie japonaise, relatant l’expérience de la guerre, d’une bombe nucléaire et de leurs conséquences.


Il n’y a donc pas de nouvelles notions, mises en valeur dans ce récit qui reste identique au film d’origine dans le fond. Un monstre géant, issu du nucléaire, soumet l’idée de terreur quant à l’usage d’armes qui sont dans les mains des États-Unis et de l’Union Soviétique. De l’autre côté du Pacifique, l’après-guerre est vue comme un énième détonateur, dont les acteurs recommandent la prévention. Cependant, la course aux armements n’est pas dissuadée par ce genre de message, résonnant comme une anti-propagande.


Et l’Amérique développe un soupçon de culpabilité et on le découvre à travers le personnage de Steve Martin, un journaliste narrant essentiellement les faits pendant la conquête de Godzilla. Il est incarné par Raymond Burr, sans qui la réception occidentale aurait certainement abandonné tout effort de réconciliation avec le cinéma japonais. Ce qui semble laborieux se trouve notamment dans les dialogues doublés, car on ressent l’intrusion et le parasite dans le cadre. De plus, on perd en lyrisme et en allégorie quant à l’origine du monstre. Cela a pour effet d’atténuer la peur qu’ont inspirée les bombes H et ce sont finalement les cicatrices du pays du soleil levant qui se réouvre avec maladresse.


Bien entendu, l’assemblée occidentale ne se résume pas à la réception négative du montage alternatif qu’est « Godzilla, King Of The Monsters ». Du point de vue américain, la sensibilité se rapproche de la tristesse et de la dépression, du moins, pour ceux qui en saisissent le sens. Mais les nuances devront être acquises avec rigueur, si le visionnage du film de Honda n’est pas effectué en complément. C’est pourquoi la controverse au sujet de cette version est justifiée pour la majorité, mais afin de lever l’exclusivité vis-à-vis du public, le choix d’incruster une référence occidentale a pu transmettre une partie des messages de l’œuvre d’origine. Cette démarche peut s’avérer incomplète et maladroite, elle parvient toutefois à préserver une certaine cohérence dans quelques moments forts. Une concession nécessaire pour l’un et négligeable pour l’autre.

Cinememories
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le 4 juil. 2019

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