Disclaimer : je suis fan des Godzilla japonais et je chie poliment dans la bouche des derniers films américains qui se sont transformés en un énorme bukkake d'effets spéciaux qu'on regarde comme du Marvel, sans y croire une seule seconde. C'était pourtant bien parti en 2014, quand Gareth Edwards en avait fait un film catastrophe. Deux ans plus tard, le Japon ripostait avec un très sombre et très politique Shin Godzilla, dont le sérieux absolu fonctionnait à 100%.
En effet, j'ai beau adorer Godzilla Final War (2004), ses matchs de foot entre monstres géants, ses prises de catch en costume de latex et les ninjas qui font du wall-run sur des écrevisses mutantes, j'estime qu'il y a eu à ce jour tellement de films dans cette veine (pas loin d'une trentaine) pour une vie entière.
Un Godzilla grave et sincère, en revanche, ça reste une denrée rare, et il aura fallu 8 ans à la Toho pour confirmer l'essai avec Godzilla Minus One. Ce nouveau film fête dignement les 70 ans de Godzilla en opérant un retour aux sources post-seconde guerre, et même du noir et blanc pour les amateurs (dans une édition spéciale sortie peu après)
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Shin Godzilla a prouvé qu'on pouvait encore rendre Godzilla effrayant et menaçant, et si Minus One ne fait pas aussi bien, il nous offre néanmoins l'une des meilleures itérations du monstre, qui atomise sans peine ses incarnations américaines, mais aussi toutes les pitreries qu'on lui a fait faire durant ses longues années d'existence.
Les effets spéciaux sont formidables malgré un budget serré, la réalisation contribue à nous vendre l'échelle du monstre, avec beaucoup de plans à hauteur d'homme pour insister sur son gigantisme, et chacune de ses apparitions fait monter la pression. Les scènes de destruction sont convaincantes et bourrées de détails, de débris et de particules, faisant du monstre une force de la nature lorsqu'il balaye des immeubles d'un coup de queue, sans paraitre contrôler lui-même sa puissance destructrice.
Godzilla est passé par toutes sortes d'apparences plus ou moins exotiques, et cette version est l'une des plus sages, mais je ne m'en plains en aucun cas. Pour ce retour aux sources, j'étais ravi de retrouver le personnage dans ses atours les plus sobres, glorifié par les effets modernes qui lui insufflent une nouvelle vie.
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Le script, en revanche, est assez médiocre. On traverse sans conviction les étapes d'une histoire de rédemption un peu boiteuse, dont les prémisses sont discutables, et la résolution d'une nullité scandaleuse. Ces enjeux ne se comprennent que si on connait l'obsession de la culture japonaise pour les suicides d'honneur, mais ça ne m'a pas aidé à me sentir concerné par le développement des personnages, qui servent docilement leur fonction narrative sans jamais s'en émanciper.
La faute en incombe largement aussi à la piètre qualité du casting, avec une mention spéciale pour le rôle principal, Ryūnosuke Kamiki, qui nous sert une performance digne de Hayden Christensen. Certains seconds rôles sont moins mauvais, mais c'est clairement le maillon faible du projet.
Un drame humain réussi aurait pu élever ce Godzilla au-delà que tout autre film de cette prestigieuse série, et si Takashi Yamazaki s'est lancé avec les meilleures intentions, je ne suis pas convaincu par l'exécution.
Je ne boude pas pour autant mon plaisir, car en tant que film de monstre, Godzilla Minus One est un spectacle absolument grisant, que j'aurai certainement plaisir à revisiter dans quelques années.