Devant Goliath, on ne peut s'empêcher de penser que Frédéric Tellier reproduit une des plus grandes forces de L'Affaire SK1 : faire vivre un véritable aspect thriller à quelque chose dont tout le monde connaît la fin...
... Mais en changeant quelque peu sa focale, en passant de la chronique judiciaire au scandale sanitaire à coup de pesticide étrangement familier, de corporation toute puissante et de monde totalement vérolé.
... Avec le même aspect choral, se baladant sur toute la largeur du spectre : entre lobbyiste pourri jusqu'à l'os, avocat en crise de repentir, agriculteurs victimes et militants énervés. La galerie de portraits exécutée est porté avec une conviction et une énergie assez impressionnantes, tant par son trio vedette que par sa myriade de seconds rôles.
Il sera aussi à saluer cette initiative du cinéma français à prendre à bras-le-corps ses thématiques, à dénoncer, comme avait pu le faire le sympathique Rouge sur le sujet voisin des boues rouges de Gardanne, ou encore Boîte Noire. Pas étonnant pour ce dernier, puisque l'on retrouve le même scénariste pour Goliath...
Et si Frédéric Tellier ne sera jamais le Michael Mann du formidable Révélations, ou s'il ne bénéficie pas de la durée sérielle du prenant Dopesick, l'oeuvre se montrera tour à tour passionnante, tendue, dramatique, ambitieuse, au prix de quelques maladresses, de quelques gros coups de pinceaux et simplifications du propos.
Mais Goliath rappellera avant tout à notre conscience qu'elle a la mémoire courte, anesthésiée par l'instantanéité, le cynisme et l'inutilité de se battre. Que notre société est devenue une farce de convergence des intérêts, où la parole et la vérité sont constamment travesties et détournées par les politiques et les puissants.
Un monde en forme de désespérante fable de La Fontaine, dans laquelle les Goliath continuent de nuire et les David de subir leur avidité ou de demeurer les victimes de leur manipulation d'un système complice. Et même si Frédéric Tellier croit tant au sursaut qu'à la force de son sujet, son dernier effort rejoint notre réalité dans un épilogue tristement familier.
Un pour tous, tous pourris, comme disait l'autre...
Behind_♫ Je rêvais d'un autre monde ♪_the_Mask.