Film poignant abordant des thématiques d'actualité. Tout au long du visionnage, nous sommes les spectateurs de deux réalités qui frappent notre quotidien : celle de la situation que vivent nos agriculteurs, exposée de façon très crue, et celle un peu plus dissimulée de la sphère politico-économique influencée par des lobbys.

Des lobbys qui, à l'image du titre, semblent impossibles à combattre en tant que citoyen. Goliath, le géant des récits religieux, que David finit par achever. La société, les agriculteurs, les principales victimes de ces lobbys ne parviennent pas à être le David du capitalisme.

Outre la réalisation qui met réellement en avant cette dichotomie entre milieux
mondains et milieux ouvriers. On a des plans magnifiques qui marquent le contraste entre le fatalisme désespéré des misérables (avec une colorimétrie et des jeux de lumière assez sombres), et l’environnement fastueux des plus hauts placés). Avec le casting talentueux en outre, c’est un film qui remet en question tout un système qui écoeure par le sentiment d’injustice qu’il provoque.

Derrière les plus grands noms se cachent des réseaux mafieux étatiques, un système oligarchique auquel il est difficile de faire face sans être accusé de complotisme ou
sans voir ses revendications mortellement décrédibilisées. Goliath est un film profondément politique et apolitique : politique par son message, apolitique par son intrigue. Les voix des protagonsites ne sont ni entendues ni écoutées : comment ne pas fatalement s’abandonner à l’apolitisme après un tel affront de la réalité ? Après un tel rappel de notre véritable impuissance politique ?

Nous sommes clairement face à une lutte déséquilibrée entre les victimes (qui se trouvent sur le banc des accusés, les malades, "ceux qui ne sont rien") et ceux qui sont inatteignables. Quand nous plongeons davantage du point de vue des lobbystes, nous nous rendons compte qu'il existe parmi eux certains qui ont mauvaise conscience, mais qui continuent d'agir en toute impunité et immoralité, simplement par fatalisme. Le fatalisme presque nihiliste du capitalisme : on ne peut pas changer la société alors autant jouer le jeu. Autant être du côté des oppresseurs que des opprimés. Des forts plutôt que des faibles, des "oiseaux de proie" plutôt que des "agneaux".

Même les représentants de la justice ont une méfiance au regard de la justice. L'avocat incarné par Gilles Lellouche est le symbole même de l'impuissance face à l'impunité. Il ne peut rien faire, il ne peut rien dire : il se bat pour faire entendre les voix de ses clients, et s'indigne face à des lois votées par des parlementaires complètement déconnectés de la réalité des français.

Mais Goliath c'est le film qui donne la voix à ceux qui ne sont pas entendus, et c'est à la fois une œuvre profondément animale et déshumanisante. Déshumanisante parce que des atrocités légitimées au nom d’une paix sociale fictive sont commises, et jamais nous ne cessons d’être surpris par le manque d’empathie des puissants. Animale car l’homme ne m’a jamais paru aussi asservi à son état de nature que dans le jeu politique.

nermyne
7
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le 8 mai 2022

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