Attention cette critique sera remplie de spoils, arrêtez votre lecture maintenant si vous n'avez pas encore vu ce chef-d'œuvre.


Pour certains, Fight Club est un film "dissident", mais à côté de ce Gone Girl, c'est un vulgaire film pour puceaux en manque de sensations fortes.


Récapitulons rapidement: Nick Dunne (Ben Affleck), s'aperçoit un matin que sa chère et tendre Amy (Rosamund Pike) a disparue, de manière relativement inquiétante. Les flics viennent faire les constatations, les premiers soupçons portent sur le mari, d'autant que les médias, d'emblée, font de lui le coupable idéal.
Et on s'aperçoit effectivement que Nick est un écrivain un peu raté, qui vit aux crochets de sa femme, la sœur jumelle de Nick déteste cette dernière, et ce bon vieux Nick se tape une jeune bimbo qui se trouve être son élève... le coupable idéal.


Et on doute devant toute cette histoire, est-ce qu'il a vraiment pu la buter, lui qui semble si mou voire apathique ? A en croire les séquences issues du journal d'Amy, il s'est déjà montré violent, brutal, trompeur ! Tout porte à croire que c'est lui ! Et malgré tout, on doute... on doute comme la policière chargée de l'enquête qui semble avoir un café greffé directement au bras, on se dit qu'il y a quelque chose de pas clair.


Et effectivement, à la moitié du film, cette histoire qui partait pour être une "banale" histoire de meurtre intra-conjugal, se transforme en une machination absolument terrifiante. Amy est bien vivante, et elle a tout orchestré pour que Nick finisse à la chaise électrique.


Et c'est là l'énorme force du long-métrage: toute la première moitié du film prend alors une autre dimension, quand on sait que les passages issus du journal intime d'Amy sont inventés de toutes pièces. La rencontre entre les deux tourtereaux, qui paraissait si artificielle, avec des dialogues qui m'avaient laissé perplexe tant ils frisaient parfois le ridicule, se trouve alors parfaitement justifiée par ce retournement de situation. Ce sont des séquences issues directement de la plume mensongère d'Amy et de son talent tout relatif pour l'écriture.


S'enclenche alors un duel à distance, et un combat de Nick pour sauver sa peau et si possible son image. Finalement, la belle Amy reviendra, non sans avoir égorgé son ancien petit ami et l'avoir accusé de son kidnapping. Et le pauvre mari se verra finalement contraint, dans une torture psychologique insoutenable exercée par sa femme, de rester avec cette dernière, désormais enceinte de lui, et on ne pourra s'empêcher de ressentir une certaine claustrophobie à l'idée que Nick devra désormais partager son foyer, et ce pour le restant de ses jours, avec cette diabolique sorcière.


Fincher nous livre un film à la photographie froide, glaciale parfois, et une réalisation chirurgicale, pointue et sans artifices. A l'image de l'effroyable machination fomentée par Amy.
Il livre une critique acerbe des médias américains qui versent continuellement dans le sensationnalisme, prêts à souiller l'image d'un homme, sans aucune vergogne et dans un cynisme absolu. Des médias portés par une certaine vision du féminisme, dans laquelle la femme est obligatoirement victime, et l'homme forcément coupable, et qui, par idéologie pure, peuvent aveuglément conduire à la mort sociale de quelqu'un. Nick fait penser au Meursault de Camus, en décalage avec le monde qui l'entoure, renvoyant une image qui ne lui correspond pas, fatigué de faire semblant, dans une société uniquement basée sur les apparences. Le jeu de Ben Affleck, pour le moins minimaliste, est pour le coup en parfaite adéquation avec le personnage qu'il incarne. On y croit vraiment. Quant à Rosamund Pike, elle nous livre ici une interprétation qui fait rentrer instantanément son personnage au firmament des pires salopards de l'histoire de cinéma, les méchants les vrais, et nous ferait passer Hannibal Lecter ou Keyser Soze pour des petites frappes en matière de manipulation et de vicelardise. Car si Fincher se paye le scalp des médias, il livre aussi, comment dire, un avertissement sur le mariage. Une espèce d'allégorie sur les dangers du couple, et les très diverses formes que la cruauté peut prendre dans certains mariages.


Et un petit mot bien sûr pour la B.O de Trent Reznor, glaciale elle aussi, qui accompagne tout le film avec cohérence et virtuosité.


Un grand film, le meilleur Fincher, et assurément son long-métrage le plus subversif, mettant à une certaine facette de la bien-pensance dominante actuelle la tête dans sa propre merde sans aucun ménagement.

Raskole
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le 2 mai 2021

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Raskole

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