La filmographie de David Fincher s’inscrit depuis toujours dans son époque. Qu’il le fasse de manière onirique (« Alien », « L’étrange histoire de Benjamin Button ») ou réaliste (« Fight Club », « Zodiac »), il apporte un regard noir et cynique sur les dysfonctionnements de la société. Avec « Gone girl » il s’attaque au fondement du couple, et offre une perspective bicéphale complexe du vécu de la femme, de l’homme. Mais nous ne sommes pas dans un film de Woody Allen, et Fincher dépasse largement le seul cadre psychologique, offrant avec ce thriller une vision manichéenne des comportements amoureux parfois exacerbés, mais également de leur environnement. Ce qui lui permet d’épingler plus largement au passage les médias, les grandes valeurs puritaines hypocrites, mais surtout notre propre passivité (comme spectateur et individu) qui nous pousse un peu trop facilement et dans la précipitation à faire d’un présumé innocent le coupable idéal, voire exemplaire. Dans ce sens, le film est remarquable. Moins convaincante, est la forme. L’enquête sur la disparition de l’épouse (se faisant à plusieurs niveaux) est pour le moins un peu alambiquée et surtout quelque peu prévisible. Ce qui n’est pas en soit un obstacle (Hitchcock, en virtuose, s’en était fait le grand maître) mais le devient à force d’être trop démonstrative. Fincher hélas, n’échappe pas à cette lourdeur qui pèse un peu sur l’ensemble. Toutefois, on ne peut renier son indéniable malice ni son penchant à nous concocter des plans et des séquences époustouflantes ou à instaurer un climat glauque provoquant un malaise certain. Malaise d’ailleurs accentué par la magistrale direction photographique qui couvre l’œuvre dans toute son étrangeté. Quant au duo d’acteurs, on atteint une maitrise totale chez Affleck (sans doute l’un de ses meilleurs rôles), et Rosamund Pike rejoint le peloton de tête des grandes « garces » d’Hollywood (Davis, Crawford, Close…) mais il ne faut pas oublier Carrie Coon étonnante dans le rôle de la sœur de Nick. « Gone girl » ne rejoint pas le paranoïaque et magistral « Zodiac ». C’est une œuvre trouble, offrant un regard tragique et pessimiste sur la société, et se place naturellement parmi les bons « films noirs ».
Fritz_Langueur
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films de 2014 et Oscar du meilleur film 2015

Créée

le 8 nov. 2014

Critique lue 275 fois

7 j'aime

Fritz Langueur

Écrit par

Critique lue 275 fois

7

D'autres avis sur Gone Girl

Gone Girl
Sergent_Pepper
8

Amy pour la vie

Brillantes, les surfaces de verre et les chromes étincelants des 4x4 d’une suburb impeccable du Missouri. Brillante, la photographie d’un univers bleuté, haut de gamme, au glacis de magazine. Beaux,...

le 22 oct. 2014

225 j'aime

22

Gone Girl
Kobayashhi
8

Lettre ouverte...

David Fincher, Il a fallu attendre que tu entres dans ta cinquième décennie pour réaliser ton plus beau film, il faut dire que contrairement à certains je ne t'ai jamais réellement voué un culte...

le 10 oct. 2014

183 j'aime

12

Gone Girl
Docteur_Jivago
8

American Beauty

D'apparence parfaite, le couple Amy et Nick s'apprête à fêter leurs cinq ans de mariage lorsque Amy disparaît brutalement et mystérieusement et si l'enquête semble accuser Nick, il va tout faire pour...

le 10 oct. 2014

172 j'aime

35

Du même critique

Ni juge, ni soumise
Fritz_Langueur
8

On ne juge pas un crapaud à le voir sauter !

Ce n'est pas sans un certain plaisir que l'on retrouve le juge d'instruction Anne Gruwez qui a déjà fait l'objet d'un reportage pour l'émission Strip-tease en 2011. Sept ans après, ce juge totalement...

le 12 févr. 2018

59 j'aime

7

120 battements par minute
Fritz_Langueur
10

Sean, Nathan, Sophie et les autres...

Qu’il est difficile d’appréhender un avis sur une œuvre dont la fiction se mêle aux souvenirs de mon propre vécu, où une situation, quelques mots ou bien encore des personnages semblent tout droit...

le 24 août 2017

56 j'aime

10

Tale of Tales
Fritz_Langueur
9

La princesse aux petites poisses...

Indiscutablement « Tale of tales » sera le film le plus controversé de l’année 2015, accueil mitigé a Cannes, critique divisée et premiers ressentis de spectateurs contrastés. Me moquant éperdument...

le 3 juil. 2015

48 j'aime

11