[Attention : pour pouvoir clairement et entièrement exposer mon avis sur Gone Girl, je vais sûrement m'engager dans une zone dangereuse, celle du spoil. Je vais m'efforcer de faire attention à ne pas trop dévoiler l'intrigue dans la première partie de la critique, mais la deuxième ne pourra pas se faire sans. Après, c'est vous qui voyez, comme dirait Régis.]
Quand le générique de fin est tombé, le silence régnait encore dans la salle pourtant extrêmement bien remplie. En même temps, à force d'avoir le souffle coupé à tout instant, il est difficile de s'épandre en babillages sur ce qu'on vient de voir. Ouais, Gone Girl, c'est tellement bien qu'à la fin, tu en es cataleptique.
Le pitch de départ est pourtant on ne peut plus basique : Amy et Nick Dunne forment un couple qui, au bout de cinq ans de mariage, commence à battre de l'aile. Le jour de leur anniversaire de mariage, Nick s'aperçoit que sa femme a disparu. Gillian Flynn, auteure du livre de base, a écrit autour de cette intrigue de départ toute simplette une histoire complètement tortueuse, bourrée de twists comme pas possible ; Fincher, chargé de l'adaptation cinématographique, lui a conféré un visuel, un rythme et une ambiance dont lui seul a le secret. De plus, la fin du film serait radicalement différente de celle du livre. Ca fait grincer les dents des lecteurs puristes mais ça intriguera aussi ceux qui sont passés à côté du best-seller de Flynn et qui voudront connaître l'autre fin de cette folie sans nom.
A l'instar de Nick, le spectateur n'est pas ménagé. Aucune situation scénaristique ou cinématographique ne reste stable, tout est en mouvement constant tout en ne perdant jamais rien sur le chemin. Pour le coup, ce n'est clairement pas le film qu'on peut juger et abandonner au bout des dix premières minutes, tellement il est verni par plusieurs couches toutes aussi surprenantes les unes que les autres qui nécessitent d'être découvertes pour pouvoir mettre en relief le début du film.
Pour ce qui est du casting, c'est le bingo. Certes, il y certains acteurs (pour ne pas nommer Ben Affleck) qui ne brillent pas particulièrement par leur talent mais pour qui leur rôle leur va à la perfection. Pour le reste, ce n'est que du bon : Rosamund Pike, qui m'a légèrement agacée par son détachement au début du film, est en réalité purement génialissime. Une carrière au mieux discrète, au pire flirtant avec le navet, on croise les doigts pour que sa rencontre avec tonton David lui ouvre d'autres rôles de même envergure. Autre bonne pioche : Neil Patrick Harris en amoureux transi assez trouble et creepy. (Bonus : Micro des Frères Scott. Il sert strictement à rien mais c'est rigolo de le voir).
"Mais en fait, tu as l'air de l'avoir adoré ce film. Pourquoi pas un 9, voire un 10 ?"
Ah ah, représentation du lecteur imaginaire utile à la poursuite de ma critique de Gone Girl, en voilà une bonne question ! Pour tout te dire, c'est la première fois depuis mon inscription sur SensCritique que je suis profondément désappointée d'être obligée de coller une note à une oeuvre pour pouvoir en écrire une critique. Tout bonnement parce que malgré les qualités indéniables du film, mon visionnage du film a été gâté par un certain parti pris.
Toi qui n'as pas vu le film et qui ne veux pas en savoir plus, tu es quelqu'un de bien mais tu devrais appuyer d'ores et déjà sur le bouton page précédente. Bisous et à plus.
J'ai eu énormément de mal avec le personnage d'Amy, les réactions qu'elle entraîne chez les autres personnages, et en général, le traitement des personnages féminins dans le film. Entendons-nous bien, je n'ai absolument rien contre le fait que le principal antagoniste soit une femme. Là n'est pas le problème. Le souci, c'est que :
1. Elle n'est pas à son premier coup d'essai. On connaît deux victimes d'Amy : le premier qu'elle a fait accuser de viol comme ça, et le second, Desi Collings, dont le passé commun avec son ex, toujours flou à la fin du film, est éclipsé par le fait qu'à la fin, il s'est fait lui aussi carrément avoir. Bref, Amy a le "don" de faire passer les hommes qui l'ont fréquentée pour des pervers sociopathes, et cela parfois sans raison, en jouant toujours la carte de la victimisation. Certes, depuis qu'elle est petite, sa vie a été romancée par ses parents et à présent, elle veut prendre la main et façonner sa propre histoire. Mais dans ce registre, elle se montre un peu répétitive.
2. Elle n'est pas la seule antagoniste. S'il y a bien un homme, l'adjoint de la flic, qui enfonce Nick, il y a pour le coup une flopée de femmes s'attelant à la même tâche : la journaliste, la voisine, la maîtresse, la belle-mère, la fille, avec son histoire de poulet, qui lui saute dessus pour prendre une photo avec lui... Une femme cause des ennuis à ce garçon, et toutes lui tombent dessus (sachant que ses alliées, Margo et la flic, restent assez impuissantes dans cette histoire).
Autant dire que tout cela donne le ton : Nick balance que toutes les femmes sont des salopes, sa "victime" de femme surpassant toutes les autres, et on le prend en pitié contre ces femmes qui veulent sa peau.
Honnêtement, je ne pense pas que la qualité du film aurait pâti d'une Amy moins caricaturale et encore moins d'un peu plus de panachage homme/femme chez les haters de Nick. En tout cas, pour ce qui est de ce dernier point, je reste persuadée qu'il n'aurait aucunement causé d'impact sur le scénario et qu'il ne provoquerait pas chez le spectateur au mieux un certain malaise, au pire une certaine antipathie envers les personnages féminins via la sympathie qu'il éprouverait pour Nick.
J'en veux d'autant plus à ce parti pris, celui de dépeindre une "professional victim", qu'il s'inscrit dans une société (américaine) qui a tendance à blâmer les femmes qui se plaignent d'abus. Donc oui, la pilule m'est restée en travers de la gorge, et m'a donné une impression en demi-teinte de ce film. Excellent tant dans la forme que dans le scénario (je suis d'ailleurs bien contente que la collaboration Flynn/Fincher se poursuive sur le remake d'Utopia), mais limite quant à la représentation de la femme.