30 millions d'Amy !

Quand on a réalisé "Seven" et "Fight Club", qu'on s'affiche sur Senscritique avec son nouveau film à 8 de moyenne et qu'on se paie en plus le luxe de faire une entrée fracassante dans le Top 111, ce "Gone Girl" de David Fincher a de quoi intriguer. Personnellement je ne l'attendais pas et c'est donc les mains dans les poches que je me suis pointé à la séance pour découvrir ce thriller.

Bon, vous savez tous lire un synopsis et je ne vais pas trop m'attarder sur la petite histoire qui met en scène Nick Dunne accusé d'avoir assassiné sa femme portée disparue. Au début, on suit l'enquête via le point de vue de Ben Affleck, le mari, puis rapidement le récit offre un second angle d'interprétation à travers le journal d'Amy, sa femme incarnée par Rosamund Pike. Vous l'aurez deviné, les versions s'opposent et sèment le doute dans l'esprit du spectateur. D'un coté, si elles avaient concordé ça aurait été non seulement redondant mais a fortiori dépourvu d'intérêt.

Alors que là, de l'intérêt il y en a ! Fincher distille une atmosphère oppressante aux petits oignons. Le tout mariné dans un épais sentiment de malaise. A peine s'est-on forgé une ébauche d'idée sur le "qui à fait quoi et pourquoi" que le réalisateur vient la démolir en redistribuant les cartes. On est donc balloté d'une théorie fraîchement élaborée à l'autre mais pourtant on persiste à vouloir découvrir le fin de mot de l'histoire avant qu'il nous soit révélé. Et c'est là que le réalisateur est habile puisqu'il nous plonge en plein dans le thème sous-jacent du film : la puissance de l'opinion publique qui balaie tout(e la vérité) sur son passage.

J'ai vu le film il y a quelques jours maintenant et j'y ai beaucoup repensé. Au final je me rends compte que durant tout le film j'ai énormément jugé les deux personnages principaux au fur et à mesure que le voile se levait sur l'intrigue. C'est normal. Je fais partie de l'opinion publique et je juge, souvent à l'emporte pièce, avec les informations qu'on me présente et ce sans prendre de recul. Dans ce film, c'est assez édifiant. C'est également très drôle. D'un point de vue cynique bien sûr.

Mais si ce film arrive à embarquer aussi facilement son spectateur, que ce soit juste pour l'intrigue ou pour la mise en abîme, c'est non seulement parce que la réalisation de Fincher est soignée et intimiste mais également et surtout parce que les deux acteurs principaux nous gratifient d'une prestation de haute volée. Je me suis pris d'Afflecktion pour Ben et les scènes avec Rosamund étaient loin de me faire Pike du nez. Les deux sont crédibles et authentiques et cela est dû au fait qu'ils n'interprètent pas des personnages hors-normes mais des Monsieur et Madame Tout Le Monde. Ainsi, ils surnagent au milieu des seconds rôles qui ne déméritent pourtant pas et qui offrent même une réelle plus-value au film en l'enrichissant de personnages bien écrits.

Cependant, force est de constater que j'ai trouvé le temps un petit peu longuet. Non pas que le film s'essouffle mais je pense sincèrement qu'une coupe de quelques minutes ici et là pour un total de 20-25 minutes sur l'ensemble de l'oeuvre n'aurait pas été malvenu. Le film est long, réserve son lot de surprises mais n'arrive pas à maintenir la tension du début jusqu'au bout. C'est voulu, ça se fond dans l'intrigue mais en ce qui me concerne je trouve ça un poil dommage. Mais pas de quoi bouder mon plaisir pour autant !

Car oui, "Gone Girl" est un très bon thriller qui a tout pour lui; une réalisation, des acteurs, une critique sociale et un scénario. Je ne trouve pas le film aussi marquant que Seven ou Fight Club mais c'est assurément une séance à faire dès que l'occasion se présentera à vous !