"Gonin" est dans mon panthéon des plus beaux polars ...
Le film adopte une trame scénaristique éprouvée : cinq hommes en difficulté financière planifient un braquage, l'exécutent, puis sont impitoyablement traqués et éliminés par deux tueurs (dont Takeshi Kitano) à la solde du Yakusa spolié. Sur ce schéma rebattu, Takashi Ishii brosse le portrait d'hommes brisés dans leur âme et leur chairs. Du patron de boîte de nuit endetté au père de famille qui a perdu son emploi, de l'ex-flic devenu toxicomane au jeune homme simplet sans oublier le travesti, tous ploient sous le joug d'un destin qui prends les traits impassibles de Takeshi Kitano, tueur homosexuel dont l'oeil droit est curieusement recouvert d'un sparadrap.
Ces anti-héros, beaux et dérisoires, appâtés par le gain et l'amour, se meuvent dans un monde nocturne que des néons épars arrachent à l'obscurité, un monde en décomposition où rôde une faune interlope."Gonin" suinte un nihilisme désespéré, un jusqu'au boutisme comme on en voit rarement.
La mise en scène de Takashi Ishii est d'une virtuosité affolante, à l'image de ces "gunfights" d'une rare fluidité, à l'image de cette caméra virevoltante qui capte l'atmosphère survoltée d'une boîte du nuit. Ishii colle au plus près de ses protagonistes, semble faire corps avec eux. Le travelling dans le parking souterrain est renversant, et la séquence où le père de famille rentre chez lui distille une forme de poésie macabre qui imprime durablement la rétine.
Et quelle séquence finale !