Robert Pattinson arpente les rues new-yorkaises la nuit dans GOOD TIME, un polar désespéré dirigé par les frères Safdie.


Du cinéma sans prétentions mais avec du style, c’est la formule magique trouvée par les deux réalisateurs de GOOD TIME. L’histoire ? Deux frères organisent un braquage de banque. L’employée est particulièrement coopérative, pas la peine de sortir d’armes ou de crier fort. Tout se passe bien. Un peu trop bien. Dans leur fuite, un système antivol de neutralisation de billets se déclenche (la fameuse peinture rouge mise dernièrement à l’honneur dans le raté Triple 9). A la suite de cet incident, les frère sont séparés. De là débute une folle cavalcade pour se retrouver sans se faire prendre par la police. Sur ce postulat de pur film de genres, les Safdie livrent un moment de cinéma absolument efficace, sans fioritures, qui arrive à se construire une identité formelle sur des motifs et des thèmes déjà ressassés ad nauseam par le 7ème art.Habitués à filmer des losers, Joshua et Ben Safdie proposent une histoire entre deux frères aux accents gray-ien. Plus qu’une histoire de fraternité (il serait assez réducteur de résumer James Gray à du cinéma de familles), il y a surtout cette fuite désespérée pour contrecarrer son destin – les personnages chez Gray ne font que ça. L’ouverture du film ne nous embarque pas immédiatement dans l’action, elle prend le temps en une scène de bien poser les personnages et leur relation : un est handicapé et passif, l’autre est nerveux et dégourdi. Mais ils ont ce lien sacré entre eux, ce lien du sang qui les oblige à avoir une forme d’union. Cette introduction est forte car elle définit tout clairement en un rien de temps (le rapport protégé/protecteur, avec ses ambiguïtés du côté de Robert Pattinson) dans un réel soucis d’efficacité narrative, et qu’elle permet à la suite du film de décupler sa dimension dramatique par toute la caractérisation initiale.


A y regarder de loin, GOOD TIME est à ranger illico dans la case “série B”. Une fois en marche, le résultat est plus intéressant que ça. Sorte de croisement entre le Michael Mann des années 80 et Nicolas Winding Refn, le film est animé par une urgence emportant tout sur son passage. Les Safdie filment de près les visages de leurs personnages, la caméra est elle aussi embarquée dans cet engrenage sans fin. On étouffe parce qu’on ne voit jamais la conclusion se profiler à l’horizon. A chaque possible résolution, une étape supplémentaire vient se greffer, retardant l’échéance. Incroyablement bien rythmé, le scénario refuse les temps morts, accentue la nervosité et condense un maximum d’actions dans un temps réduit – les faits se déroule en moins de 24h, le film dure environ 1h35. Pourquoi prendre son temps alors que les personnages n’en ont pas ? Ils sont avant tout définis par l’action, aucun besoin de s’ennuyer à les approfondir par des digressions superficielles venant ajouter des traumas ou on-ne-sait quoi de douteux. L’épure en dit finalement plus et les construit à merveille. D’où la merveille idée de faire disparaître Nick (Ben Safdie) de quasiment tout le film, rejoignant cette impression d’absence portée par sa première apparition. Il motorise les enjeux mais n’est physiquement pas là.Mené par un Robert Pattinson incroyable accumulant les choix de rôles tous plus judicieux les uns que les autres, GOOD TIME devient un film hallucinant et halluciné à mesure qu’il avance. Éclairée aux néons ou à la lumière d’une fête foraine (formidable scène dans le train fantôme), l’histoire se déréalise et devient un trip sous acide dingue, imprévisible. Ce qui donne cette impression de vivre une longue virée nocturne cauchemardesque de laquelle on ne peut s’extirper. Et quand le jour se lève, ce n’est pas pour y mettre fin. Alors que la caméra était restée collée aux personnages, elle prend le temps de s’éloigner considérablement lors de la conclusion, soulignant un peu plus le caractère dérisoire de cette fuite vouée à l’échec. En filmant avec des valeurs de cadre plus larges, les Safdie replacent les personnages dans leur chemin et face à leur dramatique destinée, les réduisant à des petits corps dans un espace immense, manipulés par des forces divines. Ainsi ils bouclent la boucle ouverte par cet aérien plan initial : une vue impersonnelle de la ville menant à un immeuble où le frère handicapé rencontre un psychiatre – c’est de cette prison que Connie (Robert Pattinson) veut l’extraire. Un premier plan qui pourrait être également le final puisque tout le chemin parcouru n’aura définitivement servi à rien. Comme s’il n’avait jamais eu lieu.


Par Maxime Bedini pour Le Blog du Cinéma

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le 5 juin 2017

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