Il y a eu la mode des films avec de jeunes filles aux longs cheveux noirs, qui marchent au ralenti en robe de chambre blanche, en poussant de longs râles, la tête penchée en avant... (tout le monde a saisi ou il faut continuer ?) mais il y a aussi eu celle des "thrillers sexy à tiroirs", grâce à Basic instinct ; un film qui aura enfanté une cohorte de rejetons de l'enfer avec "Sex" quelque chose dans leur titre. Goodbye lover est de cette mode, malgré l'absence de "Sex" dans son titre. Autant dire qu'à l'époque, le marché était saturé. A tel point qu'il était difficile de donner leur chance à tous ces produits. Surtout après s'être délecté de la Rolls-Royce des ersatz : Sexcrimes. Étonnement, 23 ans plus tard, la révision de Goodbye lover est bénéfique. On ne sait pas qui a eu l'idée saugrenue d'engager les deux scénaristes (Cohen et Sokolow) afin de développer l'histoire originale de Ron Peer mais ce fut une riche idée vu leurs filmographies, contrairement à ce que l'on pourrait croire. Les deux compères sont abonnés aux films pour enfants et aux comédies ; ils instillent au script un ton parodique bienvenue, voire un 18ème degré dévastateur. Sans ça, le film aurait probablement ressemblé à un thriller érotique lambda de Shannon Tweed (notez que ça n'aurait pas forcément déplu à l'auteur de ces lignes). Il est d'ailleurs amusant de constater la propension qu'a Hollywood de confier ce genre de scripts casse-gueules, puisque second degré et parodiques voire moqueurs, à des réalisateurs étrangers. Comme si se moquer des studios et du système hollywoodiens était plus difficile, voire impensable, pour un américain natif. Toujours est-il que Roland Joffé fait du bon travail. Quand on est resté sur le navrant Captivity, c'est un soulagement car il y avait de quoi craindre le pire. La partition de John Ottman est totalement dans le ton : parodique / humoristique / moqueur, affichant une volonté de citations-hommages en vrac, convoquant les scores de Philip Glass (le thème principal reprend quelques notes de celui de Candyman) et de Danny Elfman, entre autres. Mais c'est surtout le travail du directeur de la photographie Dante Spinotti qui illumine l'écran, même si le spectateur peut se demander parfois s'il ne regarde pas un film cadré par Giles 'Battlefield Earth' Nuttgens tant le bonhomme abuse des plans inclinés. En tout cas, la caméra virevolte, passe sous les tables, au dessus des maisons, plonge et contre-plonge... c'est sûrement bête mais ça fait du bien, surtout quand c'est pour s'attarder sur les petites culottes de Mary-Louise Parker. Patricia Arquette joue la veuve noire, Mary-Louise 'méga schwing chapiteau' Parker joue la petite allumeuse en chaussettes, Don Johnson a une belle mort (non vraiment, on ne dirait pas un mannequin), Dermot Mulroney fait son Dermot, Ray McKinnon joue le mormon gentiment neuneu, Vincent Gallo n'est même pas crédité au générique mais passe cabotiner 6 minutes à l'écran (mais 6 bonnes minutes) et Ellen De Generes prouve l'étendue de ses limites d'actrice dans un rôle qui lui colle parfaitement, apportant la touche 'grosseuh parodie' éléphantesque dont le script avait besoin. Très bon casting, donc. Même si tout ça est très classique, pour qui a l'habitude des "thrillers matriochka" américains de l'époque, en mode "le trompeur sachant tromper le trompeur qui sait tromper", l'emballage emporte le morceau...
... enfin, ça dépend dans quelle version, car quand on enclenche le DVD français dans son lecteur, vient alors le moment du choix et de la question cornélienne : quelle version visionner ? Il est bon de noter que Warner, non content d'offrir un DVD qui tient encore formidablement bien la route en 2022, propose donc le film en 2 formats : le 2.35:1 (~ cinémascope) et le 1.33:1 (~format carré). Assez courant pour l'époque, en ce qui concerne les films tournés en Super 35, d'après ce que l'on comprend au gré des recherches. Sauf que cette fois-ci, la question se pose rapidement tant les cadres en 2:35:1 interpellent pendant tout le générique de début. Une fois n'est pas coutume, il semblerait donc qu'il vaille mieux préférer le format carré, où la composition des cadres atteint son plein potentiel. Malgré une légère perte d'informations sur les côtés, celles que l'on gagne en haut et en bas des cadres rendent les compositions et les choix de mise en scène bien plus efficaces. Et puis en 2.35:1, adieu les petites culottes, alors bon, c'est vite vu.