Après avoir envisagé de traiter l’affaire du père Preynat, ce prêtre du diocèse de Lyon accusé de pédophilie, sous forme de documentaire, François Ozon a décidé de réaliser une œuvre de fiction. Un film fidèle aux témoignages des victimes regroupées dans l’association La parole libérée. Le pari narratif de Grâce à Dieu est d’ailleurs de s’intéresser successivement à trois de ces quadragénaires qui furent dans leur enfance la proie du religieux. Le film est assez laborieux dans son début avec une multitude d’échanges de mails lus en voix off qui alourdissent le tempo. Mais ce procédé a ses vertus pédagogiques et la fluidité de la mise en scène et du montage fait que l’intérêt va crescendo à mesure que la parole se libère et que de nouvelles victimes sortent de leur silence. L’Eglise en prend pour son grade dans Grâce à Dieu mais on ne peut pour autant pas qualifier le film d’anticlérical primaire. L’institution est bien coupable d’avoir fermé les yeux sur les agissements du prêtre mais le long-métrage se concentre tout autant sinon plus sur la solidarité fragile des anciens enfants martyrisés, les dégâts collatéraux dans chacune des familles et, le plus important, la délivrance et la souffrance de la parole libérée. L’affaire, est-il besoin de le rappeler, est toujours dans l’attente d’un jugement mais Ozon n’a rien à craindre : il ne s’est que très rarement écarté de la réalité, usant simplement de raccourcis temporels quand cela se révélait nécessaire. Son film est avant tout un hommage à ces hommes qui ont trouvé le courage de s’exprimer alors qu’ils s’étaient tous reconstruits, plus ou moins bien, après ce traumatisme d’enfance. A noter que pour évoquer les faits dénoncés, Ozon a usé de flashbacks pudiques qui n’en sont pas moins difficiles à voir, non par ce qu’ils montrent mais par ce qu’ils laissent à l’imagination. Melvil Poupaud, Denis Ménochet et Swann Arlaud incarnent les trois victimes que l’on suit tour à tour. Grand metteur en scène d’actrices, Ozon prouve encore son talent à aussi diriger des hommes. Le réalisateur, avant de découvrir l’affaire Preynat, avait l’intention de tourner un film sur la fragilité masculine. D’une certaine façon, et sans le vouloir, c’est qu’il a finalement fait dans Grâce à Dieu.