Il faut un certain temps pour comprendre le propos réel de Graffiti Party. Les débuts assez longs, voire répétitifs sur l’ambiance Spring Break de la jeunesse décomplexée des années 60, entre beuverie, flirts et baston, nous laissent entrevoir un teenage movie vaguement nostalgique, le film datant de 1979. S’y distinguent trois amis dont on suivra les destinées parallèles.
« Nobody surfs forever », déclare un des protagonistes adultes, Bear, dès le départ. Progressivement, les séquences filmant les vagues, à différentes saisons, accompagnées d’une voix off légèrement caverneuse dilatent les ambitions du film. On pense bien entendu à l’ellipse sublime de Mme Muir, où la mer déchainée indique avec force l’injure du temps.
Ici, le passage vers l’âge adulte se fera le plus souvent dans le renoncement. C’est d’abord l’épisode central de la mobilisation pour le Vietnam, où les singeries deviennent des motifs de survie pour être reformé. En toile de fond, la guerre scarifie les personnages, rivés à ce lieu qu’on ne quitte jamais, et dont on voit la lente métamorphose : Bear qui se décatit, la nouvelle jeunesse qui prend le relais, les accès à la berge condamnés. L’océan, lui, reste le même, vestige aussi grisant que figé d’un âge d’or dont on ne peut se débarrasser, qui engourdit et enthousiasme à la fois.
Graffity Party ne raconte pas grand-chose, et prend son temps pour le faire. Et fonctionne. Le temps passe, les muscles s’atrophient et l’alcool ravine les cerveaux. L’Amérique a la gueule de bois, mais garde le sourire sous un éclatant soleil. En ce sens, il est l’antithèse de Point Break, tout en traitant du même sujet : pas d’intrigue, pas d’héroïsme, mais la quête romantique du Big Swell, l’attente de l’instant parfait, dangereux et spectaculaire.
La séquence finale sera la récompense du spectateur. Dilatée jusqu’à la déraison, elle explore l’osmose entre l’individu et l’élément, dans une fluidité imparable. Le surf, dit le film, n’est pas la frime : on le constate dès l’ouverture, où la musique très douce tend à contredire les clichés l’accompagnant généralement ; c’est un état d’esprit, une suspension poétique, et dans cet épilogue, l’expression la plus franche d’un lyrisme échevelé. Le temps suspend son vol sur la crête de la vague, et le sillage dans son rouleau dessine son passage ici-bas : une écume cinglante, harmonieuse et éphémère.
Sergent_Pepper
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le 4 nov. 2014

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