Gran Torino est le dernier film, à ce jour, où Clint Eastwood est à la fois devant et derrière la caméra. Son rôle de Walt Kowalski est peut-être le plus complet, le plus abouti. Comme à son habitude, Eastwood est dans un rôle d’home viril, sûr de lui et sortant le fusil à la moindre occasion, mais aussi un homme touchant, abandonné des siens. Ce personnage plus humain, moins caricatural, marque la filmographie du réalisateur d’une pierre blanche.


Gran Torino est un modèle de voiture de la marque Ford. Une de ces voitures de collection appartient à Walt Kowalski, un vétéran de la guerre de Corée qui se retrouve seul avec sa chienne Daisy après la mort de sa femme. Dans son quartier, Walt est l’un des derniers blanc. La plupart des habitants sont des hmong, une communauté du nord Viêt Nam qui émigrèrent vers les Etats-Unis après la guerre du Viêt Nam. Grincheux, raciste, Wlat n’aime pas ses nouveaux voisins. Il va cependant se lier d’amitié avec un jeun hmong, Thao, après que celui-ci ait tenté de lui voler sa Gran Torino, poussé par son cousin et sa bande. Une amitié qui apporte beaucoup au jeune homme à qui il manquait une figure paternelle et également à Walt qui ne pensait plus qu’à finir ses jours tranquillement dans sa maison sans personne pour le déranger.


La force de Gran Torino est la relation si particulière qui s’installe Walt et Thao. Cette amitié, profonde, était pourtant mal engagée entre la tentative de vol de Thao et les préjugés racistes de Walt. Sous cette carapace forgée par les années et la guerre, se cache un homme bon, qui va prendre sous son aile le jeune Thao.


La scène finale où Walt se sacrifie délibérément est en quelque sorte l’apothéose du contre-pied pris par ce personnage. Dans une situation où les personnages d’Eastwood auraient opté pour se faire justice eux-mêmes et faire ménage à coup de fusil, Walt va provoquer les membres du gang qui terrorisaient Thao et sa famille en leur faisant à croire qu’il est sur le point de leur tirer dessus. La réponse est imminente, la fusillade éclate, Walt tombe et le spectateur voit qu’il tient son Zippo dans la main. La suite, logique, voit l’arrestation des membres du gang pour meurtre. Juste avant la confrontation, Walt qui vient d’enfermer Thao pour y aller seul, lui avoue avoir tué des soldats de l’âge du jeune Hmong pendant la guerre. Le spectateur devine que Walt n’avait jamais fait cet aveu à sa famille et que ses souvenirs de la guerre de Corée le hantaient au point de s’engager dans la voie du martyr pour exorciser ses vieux démons.


Gran Torino est une belle réflexion sur la défiance absurde de son voisin, le sens de la famille et sur le fait qu’il n’est jamais trop tard pour changer. Que ce soit en tant qu’acteur ou réalisateur, ce film est pour beaucoup l’œuvre la plus aboutie de Clint Eastwood.

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le 4 mars 2016

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Vincent Ruozzi

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