"Allons étonner le monde !" dira le personnage de David Harbour à son jeune poulain ...
Bah oui, c'est exactement ce qu'a fait Neil Blomkamp à travers cette adaptation cinématographique de "Grand Turismo" sur laquelle on n'aurait a priori pas misé le moindre écrou (l'auteur de ces lignes n'est pas un amateur de ce type de jeu de surcroît) pour que l'on en ressorte aussi surpris par un tel cœur vrombissant planqué sous sa belle carrosserie !
Pourtant, les premiers instants du long-métrage laissaient augurer le pire en termes d'immense étalage publicitaire pour le duo Playstation/Nissan (avec notamment un montage qui vomit leurs sigles aux quatre coins de l'écran) mais, en choisissant de se focaliser sur l'improbable coup marketing lancé par les deux firmes pour propulser des jeunes joueurs de "Gran Turismo" sur des circuits à taille réelle (et, accessoirement, reconquérir un marché de consommateurs délaissant de plus en plus le volant), le film va se révéler très astucieux en vue de marier son propre statut d'adaptation de licence vidéoludique à la destinée de son héros, obligé lui-même de recourir à ses capacités virtuelles de conduite dans la réalité. Ainsi, le passage du confort derrière un écran aux risques constants du réel devient un amusant terrain de jeu pour Neil Blomkamp, incarnant quasi-littéralement ses objectifs de transposition via la mise en scène de l'instinct de son joueur devenu un véritable pilote de course.
À ce jeu, le réalisateur réussit habilement la fusion des deux mondes, où les gimmicks visuels de "Gran Turismo", ainsi que de chouettes échappées fantasmatiques d'un cerveau de gamer, se fondent à l'amplitude concrète des circuits mondiaux et à l'entremêlement permanent de la nervosité mécanique et humaine pour ensuite s'amenuiser au fur et à mesure que ce jeune Gallois parfait ses aptitudes dans la réalité. On pourrait parfois regretter un montage qui aurait peut-être gagné à être plus calme lors des phases hors-course ou une photographie un peu terne mais, visuellement, "Gran Turismo" réussit son pari de nous faire ressentir au plus près l'expérience folle que son protagoniste principal a eu la chance de vivre et, après un "Demonic" de triste mémoire, on peut dire que l'on est heureux de retrouver un Neil Blomkamp en forme pour nous faire vibrer pleinement avec !
Certes, on ne peut pas dire que "Gran Turismo" réinvente le bitume narratif des victoires et déconvenues traversées par son héros ni même vis-à-vis des personnages qui gravitent autour de lui (du vilain fils à papa jusqu'au coach-ingénieur revenu de tout, on les connaît déjà tous) mais ce n'est pas parce que le film n'ose pas de franches sorties de route dans l'originalité à ce niveau qu'il ne s'applique pas à tirer le meilleur de sa formule proposée. Touchant à chaque fois au plus juste lorsqu'il cherche à donner dans la plus pure émotion picaresque, une inattendue gravité réaliste ou encore l'aspect épique propre à la montée en puissance de ce type d'histoire , "Gran Turismo" n'a de cesse de nous emporter dans le sillage tonitruant de ces bolides, notamment par l'intermédiaire de son groupe de moutons noirs hétéroclites que tous donnent perdants devant la folie de leur entreprise et, plus particulièrement, par les fulgurances de sa superbe relation mentor/élève au sein de laquelle brille un plus que parfait David Harbour.
Bon sang, si l'on nous avait dit un jour qu'on lâcherait une larme (voire plusieurs) devant un film tiré d'un jeu comme "Gran Turismo", on en aurait mangé notre manette et même la Playstation qui va avec ! Oui, tu as étonné ton monde, Neil Blomkamp, avec une excellente adaptation de jeu vidéo et, surtout, un très bon film de course automobile tout court.