J’avoue, j’ai pris du retard sur le phénomène. L’année dernière, au mois de mars, une véritable vague déferlante déboule dans les salles obscures avec l’arrivée de Grave. Tout droit sorti de l’imagination de Julia Ducournau, jeune réalisatrice française, ce film arrive comme une bouffée d’oxygène dans le genre de l’épouvante-horreur international. Encore que, Grave n’est pas un film d’horreur classique. C’est un genre particulier, la réalisatrice décrit son film comme un film de Body-Horror. Personnellement, je pense que ce film fait parti des ovnis, de ces films que l’on ne peut pas classifier. Il y a plusieurs niveaux de lecture pour comprendre ce film : certains y verront l’aberration du bizutage des grandes écoles, d’autres y verront une fable fantastique glauque dont Del Toro pourrait être le papa. Quoiqu’il en soit, Grave s’inscrit d’hors et déjà dans le patrimoine du cinéma français et pourrait bien devenir culte d’ici quelques années.
La question est la suivante : Qu’est-ce qui fascine tant dans ce film ? Bien avant sa sortie, le film a connu un très long voyage dans les festivals et toujours un vif succès. On peut trouver plusieurs explications pour tenter de comprendre la fascination qui entoure ce film. La première chose que je te retiens du film et qui m’a profondément marqué, c’est sa beauté plastique. Grave possède une esthétique basée sur le travail des couleurs d’Argento avec les couleurs rouge et bleu qui entrent souvent en opposition. De plus, le film empreinte à la danse contemporain et moderne : Le personnage de Justine n’est pas maître de son corps, c’est lui qui la possède. Garance Marillier décortique le moindre de ses mouvements, de ses pas jusqu’au mouvement de ses paupières pour donner vie à la folie qui entoure son personnage. Elle fascine le spectateur par sa beauté angélique qui cache la monstre qui sommeille au fond du personnage de Justine. Il n’y a plus de différenciation entre l’actrice et son personnage, les deux s’abandonnent complètement l’un à l’autre pour créer une aura charnelle fascinante et destructrice.
Pour beaucoup, Grave représente un sommet en matière de violence et de gore. Le film est cru, dérangeant, sans gêne, sans filtre. C’est assurément une claque visuelle et je comprends aisément que certaines personnes n’est pas pu finir le film. Mais est-ce que le but est de choquer le spectateur ? C’est là que le film joue dans le subtil. Il n’y a jamais trop de sang, toujours juste la dose qu’il faut, adapter à chaque situation. Là où le film aurait pu jouer la carte de la surenchère quitte à faire vomir le spectateur, Julia Ducournau a décidé de jouer la carte du réalisme. Et cela ajoute un côté terrifiant au film. Le spectateur a le cul entre deux chaises à se demander constamment mais est-ce que ça va aller plus loin ou pas ? Le dosage de violence, de sang et de scène choquante est parfaitement maîtrisé, c’est là que l’on voit que la réalisatrice a toujours eu une ligne de conduite bien précise.
Mais pourtant, il y a quelque chose qui fait que le film ne peut pas se classer parmi les chefs d’œuvres du septième art. Grave n’est pas là pour se faire un nom à travers les âges, au contraire, il possède cet effet presque éphémère de fin de séance où le spectateur se demande : mais qu’est-ce que je viens de voir ? C’est la grande force du film. En tout cas, pour mon cas, il m’est impossible de définir ce que je viens de voir. Le film ne m’a pas forcément choqué outre mesure, j’ai vu des films bien pires que celui-là mais ce côté mystique, ce côté charnelle qui fascine font que le film reste dans un coin de la tête mais pas comme un chef d’œuvre, plutôt comme une question sans réponse. Cela joue presque le rôle de frustrant et donc, un second visionnage s’imposerait presque pour assouvir ce besoin de réponse. On peut le dire, Grave est un tour de force remarquable.
Grave est le genre de film qui font que le cinéma existe encore de nos jours. Ces films possèdent la puissance nécessaire pour être vu et revu en se posant toujours des questions. Ne serait-ce que pour savoir la position qu’occupe chacun concernant le film. Julia Ducournau offre un film pluri-genre dérangeant, bluffant, violent, dangereux, sensuel, sexuel, fascinant. Le choix de Garance Marillier est un choix parfait. Elle ne représente pas un canon de beauté, elle ne fait pas partie de cette image de la femme parfaite, elle possède des défauts qui font d’elle une créature incroyable. Elle incarne son personnage avec une force et un charisme hypnotisant, digne des plus grandes performances d’actrices, dû à une confiance totale en sa réalisatrice et à ses capacités. Cette petite à de l’avenir dans le cinéma.
Qu’est-ce que Grave ? Une fable, un bad trip, une histoire d’amour impossible, une tragédie ? Pour moi, impossible de me faire une idée claire sur la question et c’est ce qui me plait dans ce film. Son côté indécis est sa plus grande force. Il ne donne jamais toutes les réponses aux spectateurs et nous forcent à réfléchir sur ce que l’on voit. Un tour de force réussi pour Julia Ducournau qui se fait un nom d’entrée de jeu et qui est promise à une belle carrière. Grave ou le mystique au service du cruel. Fascinant.