Qui n'a jamais porté son doigt à sa bouche après s'être coupé ? Qui n'a jamais dit à son amour ou à sa progéniture qu'il allait être mangé tout cru ? Ou même mordre son partenaire et se retenir ?


Pendant très longtemps, toute mon enfance et adolescence pour ainsi dire, j'ai mordu. Oh j'ai mordu de très nombreuses personnes, jusqu'à l'âge environ de 22 ans. Parfois jusqu'au sang. Jusqu'à la plainte de parents d'élèves. Jusqu'à ce que ma mère ne sache plus où se mettre. Et j'adorais ça sans me l'expliquer. Quand j'étais petit, ma mère me mordait en retour mais je me souviens qu'elle se retenait et que ça me frustrait. Pardon pour cette intrusion dans mon psychisme mais cela sert juste à illustrer que la fonction de mordre est quasi innée et qu'on doit apprendre à maîtriser cette capacité, illustrer au-delà de mon intimité et de mes manies.


Il me semble que tout le monde à un rapport instinctif à la bouche et plus globalement au système de digestion, système à part entière puisqu'il est reconnu pour être la première construction intelligente de la nature. C'est le premier stade chez Freud. Parfois quand on est déprimé, on mange plus ou, au contraire, on n'a plus envie d'être pénétrée par une quelconque saveur. Parfois mastiquer est plus viscéral (wah le champ lexical de ouf), plus viscéral que manger, le repas qui est assez secondaire ma foi. Force est de constater que notre bouche qui est l'endroit de l'acceptation et de la non-acceptation avec l'extérieur, notre bouche dépasse largement la fonction de la nourriture. Elle a, à mes yeux... ou à mes dents, une fonction sacrée du désir, et donc pour moi, mordre, c'est se servir de cet organe puissant et éradicateur, c'est trop désirer quelque chose ou quelqu'un. Sucer ? C'est pas tromper, c'est faire plaisir ! Je dirais même que c'est se tromper puisqu'on trompe les fonctions de notre bouche, et plus globalement c'est tromper, donner de l'illusion à notre cerveau. Les fonctions de la bouche ? manger, mordre, évacuer le cas échéant. Mordre, c'est finir d'être frustré. C'est se rassasier.


Ducournau caresse un tabou et une actualité antispéciste brûlante. Elle fait ici un film qui est reconnu et largement distribué. Ça transpire l'académisme de la Fémis mais c'est un cinéma aussi rigoureux, d'une belle texture, d'une belle persistance comme chez Romain Gavras ou Kim Chapiron. Cronenberg première époque ? Oui, mais alors très très brièvement !


Je suis particulièrement heureux du rapport au corps dans ce film qui montre du cru et des intestins, une gouvernance, une souveraineté du corps sur la loi du genre humain, sur ses interdits, ses répugnances artificielles et de civilisation.


Bande originale de Ben Wheatley (High-Rise ?? C'est le même ?) très à propos, très juste bien des fois + des titres rigolos comme ce titre d'Orties - l'humour dans le film côtoie le grave pour notre plus sublime délectation. Mais pour plus de délectation, on se repasse un coup de "Mein Teil" - chanson inspiré d'un fait divers qui pose un vrai choix de civilisation : peut-on mangé quelqu'un qui y consent ?


https://www.youtube.com/watch?v=PBvwcH4XX6U

Andy-Capet
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le 17 mars 2017

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Andy Capet

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