Grave, c'est une production franco-belge très atypique. Une petite claque comme notre cinéma n'a pas l'habitude d'en produire. Et rien que pour cela, c'est assez savoureux.
Justine est la dernière d'une famille où tout le monde aime les animaux. Ils sont donc tous vétérinaires et végétariens. Elle s'apprête donc à rentrer en école de médecine dans la section vétérinaire où elle retrouve sa grande-sœur qui y est déjà intégré. À peine arrivée que le bizutage commence...
Non, mais tu ne vas pas commencer l'année sur un abandon là? Tu t'affiches.
Le film met en scène l'évolution du personnage. C'est l'histoire d'une ado qui quitte le cocon familial et qui se révèle à elle-même. Le bizutage subit et ses premières expériences vont la faire passer au cap d'adulte le tout sous les yeux du spectateur embrumé par le fantasque introduit dans l'histoire.
Le fantastique ici n'est là que pour l'analogie. La faim représente l'affirmation de soi. Le corps d'Adrien peut symboliser l'acceptation de la perte de l'innocence, voir la rupture de son amour de jeunesse qui façonne la femme en devenir. Adrien avec qui elle a connu sa première relation sexuelle... Tout est question de première fois dans le film. Et c'est une première fois qui entame son évolution : premier morceau de viande mis en bouche... L'attrait pour la viande humaine est une pulsion. Pulsion comparable à une envie sexuelle.
Grave est une réussite pour son style sans cesse évoluant. On passe du teen movie au film introspectif, du film fantastique au thriller. Ce qui rend le film intriguant et surprenant. On ne sait jamais vers quoi l'action va aller et on découvre une vision éclaircissant le lien familial entre les deux jeunes femmes petit à petit. Cela donne droit à des plans très travaillés avec peu de moyens. Un travail sur la lumière est également particulièrement appréciable. Le corps humain est mis naturellement en avant dans beaucoup de plans et ce d'une manière également originale. Beaucoup d'angles de vue sont peu communs ce qui est visuellement très chouette à regarder.
Après le film n'est pas exempt de tout défaut. Les acteurs ne sont pas particulièrement déments et tous ont leurs moments d'égarement où ils ne transpirent pas la crédibilité. L'écriture des dialogues aurait également pu être meilleure. Les personnages manquent de subtilité et ne sont pas forcément bien développés.
Son colloc en premier. L'image du banlieusard homosexuel, c'était bien la première fois que cela a été fait, maintenant on dirait que c'est devenu le standard du film indépendant... Sa sœur qui n'a aucune dimension autre que de l'entrainer dans l'aventure. En dehors de pousser sa sœur à des extrêmes, elle ne semble être vouée à rien et n'avoir aucune dimension. Les autres personnes dans la fac sont inexistantes et juste des témoins de la farce finale. Par contre le court passage de Bouli Lanners en routier est irrésistible.
Le film aurait pu être facilement plus développé dans l'humour noir qui étonnamment est peu présent dedans ou alors malgré lui.
On peut regretter une fin prévisible. Certes sympathique mais que l'on sent venir depuis plus de la moitié du film...
En tout cas la prochaine fois qu'une meuf vous dit qu'elle végétarienne, n'essayez pas de lui de faire bouffer de la viande...
Bref, un film visuellement fort et véritablement original secouant les portes (parfois trop étroites) de l'univers du cinéma francophone. De gros défauts (jeu d'acteurs, narration, dialogues), bien que pardonnables, l'empêchent de se hisser au rang de grand film. Cela reste néanmoins un film très plaisant.