La jeune fille modèle, naïve et douée, secouée dans son sommeil pour découvrir l'excitation de la nuit. S'en suit une spirale incontrôlable vers l'amour de la chair et du sang.
Grave se plaît à écraser ses personnages, il les étouffe pour nous permettre de les regarder se débattre et s'enfoncer dans leurs pulsions les plus primaires, que ce soit pour leur salut ou leur damnation. Ce premier long-métrage de la réalisatrice Julia Ducournau et paradoxalement plutôt rafraîchissant, il ose et ne s’embarrasse pas de préjugés, oubliant le politiquement correct pour s'abandonner sans concession à ce qu'il essaie de nous raconter. Loin d'être exempt de défauts, il parvient à trouver un équilibre où se mêlent écueils et bonnes idées.
Le film commence avec le titre emplissant l'écran. GRAVE. Il nous oppresse et annonce la couleur, le film sera lourd à porter. Et les première séquences le confirme, quand le ciel n'occupe pas les trois quarts de l'image, écrasant ses personnages par sa présence, les cadres sont serrés, les enfermant dans leurs premiers plans, quand ce n'est pas carrément un escalier qui occupe tout le centre de l'écran, poussant et coinçant les étudiants contre les bords de l'images, les forçant à y entrer pour en ressortir immédiatement.
C'est probablement la plus grande réussite du film à mon sens, l'intelligence de la mise en scène et des cadrages. Une attention toute particulière a la symbolique qui fait plaisir à voir et nous plonge dans cette ambiance très particulière, anxiogène et dérangeante. A côté de ça, le rapport au corps et à la chair est présenté de manière très crue, sans fioriture. La nudité notamment, dénuée de toute sexualité, elle est présentée très simplement, contrastant avec le reste du film. Ce qui lui fera vraiment défaut sera une réelle identité graphique, à l'image de The neon demon, de Nicolas Winding Refn. Une photographie plus affirmée, moins dispersée, qui aurait donné plus de poids à cette ambiance si particulière.
Les personnages, s'ils ne sont que trois à bénéficier d'une réelle présence dans le film, sont complètement décalés et chaotiques. Justine est timide au début, secouée dans les première soirées auxquelles elle prendra difficilement part, elle perd rapidement pied et finira par s'abandonner aux différents plaisirs qui s'offrent à elle, jusqu'à ce qu'elle finisse semblable à une bête méconnaissable. La soeur, Alexia, apparaît tour à tour comme protectrice et toxique, parfois meilleure amie, d'autres fois carrément cruelle. La relation entre les deux jeunes filles oscillera pendant tout le long du film entre l'amour et la haine. Et Adrien, le colloc gay qui finira par coucher avec Justine dans une relation que ni l'un ni l'autre ne comprend. Cette confusion ajoute au surréalisme du film, tout les trois paraissent se débattre sans parvenir à s'en sortir, sans savoir ce qu'ils veulent, réagissant seulement à leurs instincts.
Malheureusement, cette anarchie qui fait l'identité du film est aussi son échec. Je n'ai pas réussi à comprendre où il voulait en venir. De quoi le film parle t-il, un film sur l'amour entre deux soeurs, qui se maintient à travers le sang, un film sur l'instinct irrépressible, l'homme face à sa bestialité la plus profonde, un film sur la découverte de soi-même et sur la métamorphose en femme. Il nous mène sur beaucoup de pistes sans réellement prendre la peine de les mener jusqu'au bout. Sans compter les bouteilles à la mer qui ne mènent carrément nul part, comme le rapport avec les animaux, plusieurs fois évoqué mais qui n'apporte rien. Et cela va même jusque dans des détails plus petits, des intentions perdues ça est là, comme à la fin du film, l'hésitation de Justine à enfermer ça soeur. On ne comprend ni pourquoi elle veut le faire, ni pourquoi elle ne le fait pas, cela ne peut que perdre le spectateur.
Il y a beaucoup à apprendre de Grave, autant dans ses qualités que dans ses défauts, et j'espère qu'il ne sera pas trop vite oublié. Ce n'est qu'un premier long, et je pense que l'on peut en attendre beaucoup de la part de Julia Ducournau.