N'ayant eu que très peu l'occasion de me rendre au cinéma en 2017, j'ai décidé de me faire, en ce début 2018, un rattrapage des films d'horreur/fantastiques dont j'ai eu des échos favorables (ou qui, du moins, m'avaient attiré au moment de leur sortie). Mon top personnel mis à jour au fur et à mesure:
https://www.senscritique.com/liste/Mon_top_personnel_horreur_fantastique_2017/1996072
Après avoir enchaîné 2 films relativement décevants, tout du moins en considérant la hype qu'il y avait autour d'eux ("Get Out", mais surtout "Split"...), ce "Grave", petit bijou de film de genre (français qui plus est) a été une véritable bouchée d'oxygène!
Avertissement tout de même à ceux qui hésiteraient à se lancer: le film dispense une horreur "organique", c'est-à-dire que si vous êtes particulièrement sensibles aux sévices corporels, aux sexualités déviantes, et surtout au cannibalisme, alors je vous conseille vivement de passer votre chemin. Sans jamais tomber dans l'absolument immonde, certaines scènes sont extrêmement dérangeantes (et donc réussies puisque mettre très mal à l'aise le spectateur est de toute évidence au cœur même du projet du film).
Cela étant dit, rentrons un peu plus dans le détail (et donc dans le spoiler!):
le film s'ouvre sur une séquence magnifiquement réalisée de bizutage (période de bizutage qui va fournir au film son contexte d'ensemble) dans une école de véto, avec notamment un plan-séquence assez impressionnant. Ici, le bizutage, esthétisé à l'extrême, se transforme en un véritable sabbat psychédélique (je suis aussi en train de regarder "Devilman crybaby" en ce moment, donc je baigne dans ce type d'ambiance! lol), propice à la libération de toutes les pulsions, y compris les plus extrêmes. Ce choix esthético-narratif pose d'emblée le film sur de très bons rails, justifiant de façon assez maligne la montée en puissance des évènements à suivre ; les comportements de plus en plus malsains de l'héroïne et de sa sœur, au milieu de ce bizutage de l'extrême (j'ose espérer qu'on ne fait plus ce genre de choses dans des établissements français à l'heure actuel... :"-///), semblent ainsi au final n'être qu'une continuation en quelque sorte "logique", juste poussée un cran au-dessus, d'une ambiance déjà bien malsaine généralisée à tout l'établissement (sans que le personnel de l'école de véto n'y trouve de toute évidence grand chose à redire...); par ailleurs, l'ambiance hallucinée qui règne dans l'établissement permet à la réalisatrice d'insérer dans son film de petites séquences (de petites "bulles" narratives dont il est difficile de savoir si elles relèvent d'une réalité ou bien du cerveau de plus en plus dérangé de l'héroïne) assez brillantes qui tendent vers le surréalisme, voire même l'abstraction (la scène où l'héroïne vomit des cheveux, celle où on la voit oppressée sous son drap, etc. - on repense là à de très bons films exploitant déjà cette veine comme "Amer" et les autres films du duo Cattet-Forzani).
Seul petit bémol sur le plan narratif: si tous les évènements survenant au sein ou dans les alentours de l'école vétérinaire forment un tout cohérent (et oui, même la mise en scène du psychédélisme a une cohérence propre) et tout à fait convaincant, il n'en va pas forcément de même des éléments de contexte familiaux qui encadrent le film (l'arrivée à l'école vétérinaire et la dernière "révélation" finale); en effet, on a du mal à croire - si toutes les femmes de la famille sont frappées du même mal héréditaire - que le choix "rationnel" en la matière soit véritablement de le cacher aux 2 jeunes filles, en essayant d'en faire des végétariennes radicales...comme si elles n'allaient pas finir par découvrir leur vraie nature tôt ou tard, d'autant plus qu'il y a un lien explicite posé entre leurs tendances cannibales et leur sexualité; dans ce cas-là, a fortiori, le choix des parents de mettre leurs filles en internat, en les éloignant radicalement d'eux, semble complètement absurde (car ultra-dangereux). De même, la révélation finale est frappante...mais on a du mal à avaler le fait que des jeunes filles majeures n'aient jamais, mais véritablement jamais, vu leur père torse-nu! Heureusement, comme ces incohérences ne peuvent nous apparaître qu'à la lumière de révélations qui viennent assez tard dans le film, et découlent donc forcément d'une analyse rétroactive, elles ne sauraient en soi gâcher le film qui se veut surtout une expérience, un "trip" filmique nécessitant de toute façon un certain niveau de "suspension de son incrédulité" pour être apprécié à plein.
Bref, à ces petits détails près, je ne pense que du bien de ce film épatant (et extrêmement prometteur pour un premier long-métrage), en espérant que la réalisatrice confirmera à l'essai suivant! En outre, j'ai trouvé que les acteurs principaux étaient (très) bons dans l'ensemble, et les dialogues très réalistes jouent pour beaucoup dans l'ambiance et la crédibilité générales du film. Last but not least, l'affiche est franchement réussie!