Que dire, après le visionnage de Gravity ? Difficile de s'en remettre, c'est indéniable, tant le nouveau projet d'Alfonso Cuaron, absent du milieu depuis son chef d’œuvre qu'est Les Fils de l'Homme en 2006, abouti ici à une véritable révolution aussi bien technique que visuelle. On se souvient tous au moins d'un film, lorsqu'il marque une cassure dans la continuité. A l'aube des années 2000, Matrix à révolutionné le genre, l'a amené vers d'autres cieux tandis qu'ensuite, les méthodes de fabrication ont évoluées, ont permis grand nombre d'effets, jusqu'à arriver à un certain Avatar. Décrié pour de nombreuses raisons, mais aussi véritable représentant d'un nouveau genre de cinéma, une véritable expérience, sublimée par des effets 3D et des personnages plus vrais que nature. Il y a bien eu Beowulf, ou Tintin également, mais cela reste assez minoritaire malgré leurs allures de blockbusters.
Gravity se classe lui automatiquement parmi ces grands films, ces expériences filmiques telles qu'elles vous restent encore dans un coin de la tête après visionnage. Moins marquante qu'un Avatar qui représentait réellement une avancée technique et visuelle, mais pas dénuée de sensations et de rêves maintes fois imaginés par les passionnés, et qui aujourd'hui trouvent un sens. C'est probablement de ce constat qu'est parti Alfonso Cuaron en élaborant ce projet qui après réflexion, à du être un véritable casse tête en termes de montage et de réalisation. Voulant pousser encore plus loin sa manière de réaliser, cassant totalement les limites de l'espace et laissant libre court à sa caméra, Cuaron révolutionne un genre et l'emmène littéralement vers d'autres cieux. Il n'y à plus de frontières, comme en apesanteur, la caméra flotte et pénètre là où elle le souhaite.
Avec une aisance toute particulière, dénotant d'un véritable sens de l'image et de sa lecture, Cuaron révolutionne totalement la manière dont elle fut utilisée auparavant. Une caméra virtuelle certes, artificielle et donc propice à s'insinuer dans les moindres recoins, mais maîtrisée et capable de se poser par moment, laissant le loisir au spectateur de découvrir l'action sous différents points de vues, toujours plus surprenants. L’œil est incapable de se fixer, et il n'a pourtant jamais autant été à l'aise, presque sur un nuage. Pourtant ce spectateur est extérieur, n'étant qu'une sorte d'élément qui ne pleut influer sur l'action contrairement à ce le film peut lui faire croire. Gravity en cela ressemblerait presque à une cinématique de jeu vidéo, et non plus un film à proprement parler.
A cela s'ajoute des effets spéciaux d'un réalisme saisissant, qui mêlés au travail sonore plonge le spectateur dans un sentiment d'impuissance total. Soyons clair, rien de tout cela n'a été réalisé auparavant. Les sensations sont telles qu'elles donnent des frissons à la fois de plaisir et de frousse, en cela renforcées encore par ce point de vue qui ne ne nous permet que d'être spectateur.
Mais Gravity pêche aussi bien dans son concept qu'il réussit en grande majeure partie à nous immerger dans l'action. Un projet tel, si épuré et audacieux, n'ayant pour véritable base qu'une maestria visuelle, il était impossible ou presque pour le réalisateur d'y insérer une véritable continuité, un scénario donnant du sens. C'est en cela que Gravity rate le coche car il se révèle n'être qu'un blockbuster de plus, qui plus est dans l'espace, et donc un film catastrophe. Cuaron s'arrogeant même le droit d'en faire un peu trop, dans la mode actuelle, avec une narration typique, assourdie par des basses ici annonciatrices d'un évènement marquant dans l'action. En cela, Gravity est un film révolutionnaire tout en étant incroyablement plat et sans envergure, qui ne se contente que de replacer l'homme dans la vision d'un être impuissant, aux origines naturelles mais pourtant bien incapable de se défendre dans un milieu qui ne lui appartient pas. Le réalisateur appuyant d'ailleurs bien cette idée à l'aide d'images subliminales et fortes, censées émouvoir son auditoire et le replacer en tant qu'humain, et non conquérant.
Le pari n'est donc qu'en partie réussi, car là ou Gravity réussit, il s'écroule automatiquement dans sa narration et son message. Un projet qui aurait nettement eu plus de sens si il s'était déroulé en 45 minutes plutôt qu'1h30, l'ennui commençant à s'installer tant les situations s'enchaînent sans vraiment donner le sentiment de se renouveler. Pourtant il reste un film majeur, nécessaire et qui permettra peut-être d'apporter avec le temps encore de nouvelles choses au cinéma, des expériences différentes et des sensations qu'on ne pouvaient encore ressentir devant un écran. Malheureusement on peut se poser certaines questions : une caméra libre, dénuée de contraintes et de lois peut-elle réellement permettre de raconter une histoire, d'apporter un véritable message ? Le concept n'est-il pas justement limité à la simple expérience ? Au final, Alfonso Cuaron ne s'est-il pas justement plus emprisonné dans sa réalisation qu'un réalisateur classique qui doit jouer des contraintes techniques afin d'apporter autre chose, à son auditoire ?