Cette année, j'ai découvert relativement tardivement Children of Men, le précédent film d'Alfonso Cuarón, et c'était alors la plus grosse claque cinématographique que je prenais depuis des années. Quand j'ai appris qu'il réalisait Gravity, ce dernier est immédiatement venu se hisser au sommet de ma liste d'attentes, tant j'avais envie de retrouver sa caméra virtuose dans un contexte spatial.

Gravity n'est ni plus ni moins qu'un film catastrophe dans l'espace. Il n'a nulle autre ambition. Oh, il touche évidemment un peu à la vie, aux rapports humains, aux questionnements psychologiques. Il parle de la mort, du courage, de l'acceptation, du dépassement de soi... Mais cela reste secondaire, car le film est essentiellement une prouesse technique, visuelle et auditive, visant à devenir l'expérience d'immersion la plus folle possible, et cela grâce à un talent de maîtrise constant dans sa réalisation.

C'est officiel, Cuarón confirme avec Gravity son talent de réalisateur, tant chaque plan est millimétré et d'une justesse effarante, quasi insolente. La caméra virevolte avec une grâce enchanteresse, magnifiant les personnages, les costumes, les décors... on assiste constamment à un ballet spatial d'une rare beauté. Techniquement le film est réellement impressionnant. Je suis souvent craintif des fonds vert car je trouve les décors studios ou naturels bien plus immersifs, mais ici les effets spéciaux sont ahurissants et ne risquent pas de prendre de rides de sitôt. La beauté du film se retrouve également dans les passages de plus grande tension, où le décor explose en plusieurs milliers d'éclats, beaucoup d'événements se déroulent alors à l'écran mais chacun à sa place dans le cadre, spécialement étudié pour offrir à la fois un spectacle magnifique et horrifiant.
Horrifiant oui, car en étant suffisamment immergé dans le film, la tension ressentie atteint des hauteurs dont il est difficile de descendre avant le générique. Quand les stations spatiales explosent, cela parait surnaturel tant c'est affreusement réaliste. C'est devenir sourd l'espace de quelques minutes. C'est ne plus rien comprendre, c'est croire rêver tant tout semble impossible, et le danger n'en devient que plus réel, plus saisissant. Dans l'espace, personne ne vous entendra crier. Ni mourir.

Mais Gravity n'est pas qu'une claque visuelle, c'est aussi une claque auditive. Il y a véritable soin apporté aux effets sonores. La musique tout d'abord est à la fois envahissante et discrète, dans la mesure où elle va accompagner chacun de nos plus grands moments de suspense sans jamais en faire trop, en étant toujours dans le ton. Elle sera parfois très forte, au point de représenter elle-même un danger pour le spectateur. Mais c'est surtout au niveau des bruitages que le film est particulièrement excellent, notamment grâce au jeu autour de la respiration haletante de notre personnage. Les bruitages humains (contacts avec les objets, respirations, etc) sont terriblement immersifs, et permettent une identification immédiate au personnage de Ryan. L'utilisation des silences est simplement parfaite, décuplant nos sensations et notre immersion.

On dit souvent que Gravity est un huis clos dans l'espace infini, et même si cela est vrai pour moi c'est légèrement plus subtil que cela. Gravity est finalement un huis clos au ras du corps, au sein de la combinaison, ou plus largement dans ce qui nous permet de respirer. Le casque de Ryan fait la plupart du temps office de zone d'enfermement, devenant la prison de notre héroïne qui paradoxalement lui permet de rester en vie. Nombreuses sont les scènes à la première personne où la buée dégagée par Ryan va lui obstruer en partie la vue, ce qui rajoute à mon sens au côté angoissant de la situation.

Cependant, malgré ma note et les éloges que je lui adresse, le film n'est pas parfait. On y retrouve par exemple quelques clichés qui peuvent gêner, comme par exemple la scène dans laquelle l'héroïne est attachée par les pieds à un cordage (je suis volontairement vague pour ne pas spoiler). J'ai également trouvé qu'il y avait un peu trop de "pile au bon moment" (soit pour sauver les personnages soit au contraire pour rajouter une nouvelle péripétie), qui peuvent faire sortir un peu le spectateur du film s'il en voit les mécaniques.

Gravity reste avant tout un film de divertissement, moins marquant donc qu'un Children of Men car beaucoup plus sage dans son propos, mais certainement tout autant par son caractère immersif. En soi, il raconte une histoire inutile, soutenue par des événements improbables, mais il le fait tellement bien qu'il est impossible de s'en détacher. Imparfait, probablement surnoté de ma part, il fait néanmoins parti de ces films qui marquent, qui laissent une trace visuelle dans votre esprit pour longtemps. C'est une expérience terrifiante et pourtant magnifique car l'espace laisse rêveur. Du reste, l'appréciation dépendra de la subjectivité de chacun, je comprends tout autant qu'on puisse lui vouer un culte comme y rester majoritairement indifférent. A mes yeux en tout cas, il se hisse au rang de ces grands films de divertissement qui marqueront les générations, tant en terme de technique que d'intensité, aux côtés de Jurassic Park par exemple. Merci d'ailleurs pour cette 3D sublime, tant vers nous qu'en profondeur, qui est un spectacle de tous les instants.

Cuarón, j'attends déjà impatiemment ton retour.

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le 24 oct. 2013

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