Le Huis-Clos qui t'y crois pas
Gravity, c'est un peu le Huis-Clos de l'extrême. Un savant mélange entre un film d'action ultra-rythmé et un film plus posé, très centré sur les personnages et leur ressenti. Le tout avec un savoir-faire au petits oignons.
Ce qui impressionne dès le départ, c'est le rythme effréné de l'action et l'ambiance très oppressante. Elle oscille entre petites touches d'humour bien senties et scènes ultra stressantes, qui vous font serrer les fesses à défaut de pouvoir freiner sur la moquette; tout en vous arrachant un sourire de temps en temps. L'immersion est TOTALE.
Déjà grâce à une action frénétique et spectaculaire, toujours basée sur un effet à retardement et avec les contraintes de mouvement et de vision des personnages. Ce qui en plus d'être bien pensé est tout à fait anxiogène.
Le tout fignolé avec des graphismes d'un réalisme sidérant, d'une excellente photographie et d'une bande son très travaillée.
La 3D est proche du photo-réalisme et les animations sont très naturelles. Les phases dans le vide sont angoissantes à souhait et fonctionnent toujours de pair avec la bande-son. (et son absence d'ailleurs) Cette dernière est discrète, efficace et toujours très à propos. Chaque scène et soulignée avec soin, sans jamais tomber dans les clichés du cinéma d'action ou d'horreur, pour les quelques scènes qui s'y prêtent.
Ensuite car la photographie ne fait jamais dans le graveleux ou l'excès d'hémoglobine. Tout est basé sur le réalisme et le jeu avec le vide. On stresse dans l'espace en scrutant chaque recoin, au sens propre, car Alfonso Cuarón appuie l'accroissement du stress avec des décors à 360° dans presque toutes les phases dans l'espace. Le terrain de jeu est total, mais aussi psychologique.
Psychologique pour terminer, car comme je l'ai dis, il s'agit d'un huis-clos et particulièrement réussi en plus. Cuarón se permet même le luxe de jouer sur les contrastes avec le vide absolu, rappelé dès le départ dans le texte d'accroche et exploité ensuite en juxtaposant plusieurs éléments du décors.
Le vide et son absence absolue d'échappatoire se superpose aux limites de vision du casque et à l'environnement on ne peut plus restreint et suffocant d'une combinaison d'astronaute. Le vide vient aussi de manière plus classique cette fois, appuyer l'étroitesse d'une station ou d'un module, tout en jouant sur l'infini et la démesure permanente. J'ai adoré ce clin d'oeil.
Quoi qu'il en soit, le vide est toujours là pour souligner le danger permanent et l'hostilité absolue.
Une façon contrastée et je trouve assez subtile de jouer avec les codes du genre, où on n'utilise qu'un seul espace restreint pour planter l'ambiance.
On a donc plusieurs séquences propres au genre, avec l'utilisation intense des personnages, où l'introspection et les monologues permettent un développement intéressant de leur psychologie. On verra donc des personnages balancés entre réalité, désespoir et délire, pour des raisons propres à l'aventure et au réalisme de la situation.
D'aucuns dirons qu'il y a une cassure dans le rythme. Mais il s'agit d'un passage obligé et salvateur, qui permet précisément de tirer ce film vers les hauteurs du panier, de précisément se délecter avec des personnages qui contribuent à chaque instant à vous immerger toujours un peu plus dans le film. Ils sont attachants et terriblement seul.
Tout l'univers (désolé) du film se tient, colle avec le plausible et nous colle la tête au fond du casque. Les passages en vue subjective sont purement terrifiants.
La seule chose que je pourrais reprocher, c'est l'histoire un peu trop minimaliste. Elle fait le job pour planter le décors, les personnages et l'ambiance. Mais elle laisse aussi beaucoup de portes ouvertes. Notamment avec les personnages secondaires, pourtant interprétés par un certain Ed Harris. Tout est centré sur le purement essentiel. Pas de superflus, direct à l'objectif. Go go go !
Ce dernier point est totalement discutable, car je dois admettre qu'il permet aussi de laisser vagabonder son imaginaire, ce qui rend le film également intéressant de ce point de vue...
Bref... Mettez le casque !