Allumant la radio, mardi, sur France Inter, j'ai entendu les louanges d'un film qui serait celui du troisième millénaire, celui qui (enfin !) reléguerait 2001 à sa place : un film qui a crée la révolution au sein du cinéma de science-fiction et qui précède celui-ci. Enfin nous avons le second meilleur film du genre film cosmique depuis (ah non a dit la journaliste dans un sursaut de conscience, on a eu aussi Solaris de Tarkovski!). Ce sera donc le troisième celui qui couvrira le genre pour des décennies à venir. Enfin une nouvelle planète où mettre les pieds ! Après la Lune, Mars ! Excellent.
Au fond s'est réveillé le bon vieux désir d'y croire, la vieille flamme de l'espoir : voir enfin un nouveau chef d'oeuvre sur plein écran au moment de sa sortie et dire "OUI j'y étais !"
Le sites de cinéphiles et de cinéphages s'accordaient tous : Allociné, IMDb, SC, Cinélounge : du 8,5 de partout, la consécration, l'euphorie, la joie d'avoir enfin un grand et puissant film qui réconcilie intellectuels et plèbe, commun des mortels et cinéphiles exigeants.
Tout le monde est d’accord, se prend dans les bras face à la grande kermesse cosmique. Le cosmos comme lieu de réconciliation de l’humanité, le vieux rêve qu’Icare mette enfin fin aux turpitudes humaines et aux contingences conflictuelles ancestrales.
Voilà juste pour signaler ce qu’a laissé croire tout ce tapage, cet engouement, mais comment ai-je pu me laisser berner à ce point ? J’avais oublié Titanic Avatar et Lincoln ? Depuis quelques temps j’essaie d’être plus tolérant : moins saquer les films récents américains (oui il n’y a plus de scénario ou c’est toujours le même, mais qu’y peut-on ? faut que les gens s’y retrouvent, ne soient pas déçus, c’est le spectacle qui compte plus la finesse ou l'originalité du propos ou de son traitement)
Donc pour finir , aucune raison de ne pas aimer, j’y allais très sincèrement disposé à plonger dans la tenue des spationautes, à faire corps avec le vertige cosmique, enfin une expérience nouvelle et qui transcende ma petite existence. Moi non plus je ne serai plus rien face à l’univers, mon esprit allait se perdre comme il l’avait fait avec 2001.
Ca a marché 15 minutes. Promis, second rang, lunette de 1 kg sur la gueule, tout y était les longs plans séquences numériques, l’impression de voir enfin notre belle planète autrement. Et alors que le réalisateur avançait dans ses situations improbables qui se cumulent, j’ai décroché et suis revenu à la gravité.
Tolérer un film sans prétention est une chose mais d’un seul coup devoir tolérer la suprématique prétention de Cuaron est autre chose.
*spoil*
D’un incident spatial en soi intéressant, nous glissons dans tous les travers du cinéma américain actuel : lourdeur scénaristique, plan insistant, musique pesante (la fin est un cauchemar, long plan qui parcourt la cosmonaute, la victoire de l’homme ou plutôt de la femme avec de gros sons qui déchirent les tympans et une fin qui te saute dessus : tu as vu !!! GRAVITY!!! ). Lourd prétentieux. Clichés, sa gamine morte, taper sur trois boutons avec le manuel en chinois et c’est reparti dans la bonne direction, les stations qui sont toutes là juste à 1 km maxi) L’actrice qui pleure et ne sais pas pleurer (je préfère les larmes réelles d’Adèle) et laisse partir des gouttes numériques qui viennent vers nous. Et puis au moment où on commence à s’emmerder retour des pluies de débris, une fois deux fois. Bon on a compris. Elle a peur de se perdre mais se jète comme dans Cliffhanger d’un élément à l’autre des rampes externes des modules, ouvrir les sas la font limite éjecter à chaque fois par deux fois (tu n’as pas vu je te le refais), l’incendie dans la station qui la poursuit, la poursuit, la poursuit, et ouf elle est sauvée) et le summum reste la scène du wouaf-wouaf pitoyable (je pense qua ma grand-mère l'aurait mieux joué), ne reste qu'à se cacher dans le fauteuil de honte, d'être là et voir ça (si, si je l'ai ressenti)
‘J’ai écris le scénario avec mon fils’ Oui ça se voit, c’est pauvre, il n’y a plus que du spectacle, et rien rien que du cosmos et du vide. Rien que de l’improbable qui s’enchaîne jusqu’à la chute à 10 mètres d’une côte, juste avec un fond marin de 5 mètres. Et oui, survival jusqu’au bout.
Bon sang comme c’est nul et prétentieux.
Ce film est certainement le cinéma de demain, l’asservissement des masses à la conformité du bon goût sans esprit critique, au divertissement pur, même Avatar était riche à tous niveaux à côté, et avait le mérite de faire réfléchir.
Donc oui c’est l’ère d’un cinéma du nouveau millénaire extra-sensoriel où l’on se contentera de la splendeur des plans-séquences numériques sans acteurs, sans décors. Films creux et paradoxalement pesant. Consécration d’une oeuvre de type «sensorielles 3D» qui se voudrait être un 2001 au milieu des armées de films débiles de Marvel qui pullulent à n’en plus finir. L’alternative est là ?
En fait face ce type de cinéma où il y a plus rien à dire. Décérébration cinématographique rien de plus.
Aussi dernière chose ce film n’est pas un film de science-fiction. C’est un film de survie dans le cosmos, et pour les mecs qui ne comprennent plus le français un cosmic survival. But really not a SF movie.