Dans l'espace, personne ne vous entend aboyer...

Vraiment, on ne se demande pas si c’est Cameron qui a réalisé ce film tant il est l’incarnation absolue de son cinéma. En fait, du style d’Alfonso Cuaron, seule l’utilisation de plans séquences techniquement ébouriffants lui ressemble particulièrement. Pour le reste, nous avons une simplification extrême des enjeux (survivre, rejoindre les installations humaines possédant des modules d’évacuation), et une envie sincère d’immersion, comme en témoignent les nombreux plans séquences hyper réalistes et certains moments du film où nous voyons par le casque de Sandra Bullock (baptisée Ryan ici, un hommage à Ripley ?). Techniquement, le film est irréprochable. Nous avons là les visions de l’espace les plus réalistes jamais conçues, et le voyage est totalement réalistes (évidemment, si on accepte les raccourcis comme se diriger vers une station spatiale en 3 coups d’extincteurs ou trouver la commande d’atterrissage en pianotant sur des touches au hasard). Techniquement et technologiquement, cette sortie dans l’espace est la plus réaliste jamais livrée au spectateur, avec le luxe de la situation d’urgence promettant un certain rythme durant le film. Chaque explosion provoque des pluies de débris qui inondent l’écran, on a pour la première fois (avec l’expérimentation bizarre de Event Horizon) la vision d’un feu en apesanteur, la multitude de détails qui s’offre à nos yeux comblera les obsédés de technologie et de détails pratiques sur la vie dans l’espace. En cela le film tient totalement ses promesses. Les causes de l’évènement étant purement accidentelles, on peut donc totalement parler de film catastrophe technologique, où les connaissances et l’équipement de nos personnages sont déterminants pour leur survie. Encore un détail qui fait très Cameron. Et enfin on en arrive à l’interprétation. Vu que la technique fait plus de la moitié du travail sur le film, les performances de nos acteurs seront donc jugées accessoires. En l’état, Clooney et Bullock s’acquitteront de leur tâche sans forcer. Le problème (et je vais encore passer pour un ingrat en le soulevant), c’est l’humanité des personnages. Comme dans le cinéma de Cameron, le film ne peut pas s’empêcher de se faire un devoir d’illustrer leur humanité. Et par là, ça ne veut pas dire qu’elle va apparaître avec les réactions des personnages pendant leur périple, non, ça veut dire qu’il y a des séquences pour ça. Pour tout le reste, mode survie et débrouille avec les difficultés techniques rencontrées, et régulièrement, la « séquence émotion » où les personnages donnent des petits détails sur leur vie, leurs habitudes, leur crainte dans la précarité de leur situation… Et malheureusement, ce n’est pas avec ce genre de détails qu’on se prend d’affection d’un personnage. Mais il faut faire ces séquences où on a l’impression d’avoir une performance d’acteur, et où leurs émotions ont l’air de susciter quelque chose alors qu’on ne sent pas concerné, voire qu’on s’en fout. Mais il faut faire pleurer dans la salle, révéler l’humanité, l’exposer au grand jour, la souligner et l’entourer en rouge… C’est finalement le talon d’achille du film, car ces séquences brisent le rythme, et veulent tellement canaliser les émotions larmoyantes des spectateurs qu’elles provoquent de complètes sorties hors du film (avec des soupirs dans mon cas, tant on s’estime pris pour un débutant en matière de perception sentimentale). Et comme on ne s’attache pas particulièrement aux personnages si proches de nous (ils écoutent de la country, ils écoutent la radio, ils pensent à nous en bas, ils ont vécu des choses banales ou profondes…), la survie immersive se révèle moins immersive que prévue, parfois bavarde. En l’état, la technologie sauve clairement le film et peut effectivement se présenter comme une sacré balade spatiale (qui passe devant l’impressionnante séquence de Mission to Mars (parce que ras le bol de lire partout 2001)), mais question implication sentimentale, Cuaron a raté sa cible. Décevant de la part du créateur des Fils de l’Homme… En même temps, on ne pouvait espérer davantage d’un film catastrophe technologique, et dans son cas, il délivre bien la marchandise. Et il enterre largement Elysium. Mais rappelez vous que Dans l'espace, personne ne vous entend aboyer...
Voracinéphile

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9

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