Il aura fallu cinq longues ann4ées à Alfonso Cuarón pour sortir Gravity dans les salles. Sur CloneWeb, on peut remonter jusqu’à 2010 ( http://www.cloneweb.net/actualite/natalie-portman-chez-alfonso-cuaron/ ), époque à laquelle Natalie Portman et Robert Downey Jr. étaient pressentis pour être les deux seuls acteurs du film. Pendant ces longues années de gestation, le réalisateur de Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban a dû travailler à inventer des technologies pour lui permettre d’aller au bout de sa vision des choses. En plus de caméras installées sur des bras robots permettant des mouvements jamais vu jusque là, il a fait modifier le fameux light stage, environnement permettant de numériser des visages ou des corps avec une incroyable précision. La technique a été utilisée dans de nombreux long métrages, notamment par David Fincher sur Benjamin Button, par James Cameron sur Avatar (où la scène de sexe est entièrement numérique car impossible à filmer en performance capture) ou encore par Sam Raimi sur Spider-Man 3. Mais c’est la première fois qu’elle l’a été à ce point, en filmant et numérisant des corps entiers pour de longues séquences.
Cinq longues années de développement donc, mais le jeu en valait la chandelle tant Gravity est une expérience jamais vue au cinéma. La comparaison est peut-être audacieuse mais prenez rien de moins que « L’arrivée du train en gare de la Ciotat », le premier film des frères Lumière sorti en 1895 et imaginez les sensations du public devant ces cinquante secondes totalement inédites pour eux. 118 ans plus tard, Alfonso Cuarón s’offre le luxe de faire vivre au public de 2013 une expérience similaire. J’y vais sans doute un peu fort mais il est évident que Gravity est plus qu’un simple long métrage, c’est une véritable immersion dans un univers que le réalisateur des Fils de l’Homme nous propose.
Beaucoup de réalisateurs ont essayé via différents moyens, de la 3D à l’Odorama en passant par le cinéma documentaire comme le propose le Futuroscope mais peu y sont vraiment parvenus. Gravity, lui, vous propose rien de moins que de vivre 1h30 en apesanteur dans l’espace.
L’histoire en elle-même semble simple. A des milliers de kilomètres au dessus du niveau de la mer, des astronautes font une réparation de routine sur un satellite. Heurtés par des débris provenant d’un autre satellite ayant explosé, ils se retrouvent perdus dans l’espace. Deux d’entre eux, seuls survivants de la catastrophe, vont s’attacher l’un à l’autre et tenter de s’en sortir. Le reste n’est dans les grandes lignes qu’un pur « survival », où les héros vont enchainer péripéties et incidents. Si ce n’est que le film contient un sous-texte fort sur la (re)naissance d’un personnage. Que faire face à la mort ? Quelle décision prendre ? A travers son aventure hors du commun, le personnage de Sandra Bullock évolue autant que son destin est changeant.
A travers quelques symboles savamment dissimulés dans le film, mais pas trop pour ne pas passer à coté, à travers les réflexions de l’héroïne et les histoires racontées par George Clooney, il se dégage de l’ensemble un fort sentiment d’humanité. On ressort de la salle de cinéma touché, marqué par une forte envie de vivre.
Sandra Bullock, justement, fait preuve d’un jeu exceptionnel. Si Clooney est là pour cabotiner, elle offre une belle prouesse d’actrice et montre que, quand on lui offre un rôle à sa mesure, un comédien peut tout donner, et surtout le meilleur. Mais la véritable force de Gravity vient surtout de sa mise en scène. Qu’il filme un visage sans doute virtuel à l’intérieur d’un casque ou un plan le plus large possible de la Terre, Alfonso Cuarón fait des miracles. S’ouvrant sur un plan séquence absolument magistral d’une quinzaine de minutes, le long métrage n’est qu’un enchainement de séquences incroyables qui feront pâlir de jalousie bon nombre de metteurs en scène tellement les plans sont sublimes. Emmanuel Lubezki fait un travail impressionnant sur la photo quand Cuarón fait tout pour faire du spectateur un protagoniste de l’histoire à part entière, du choix des plans à l’utilisation de la 3D relief. Et pour la première, on arrive à un point où il n’est plus possible de faire la distinction entre les prises de vues réelles et le cinéma virtuel. Si les acteurs sont majoritairement vrais, tout autour d’eux n’est qu’images de synthèses.
Hyper documenté, le film l’est résolument. Alfonso Cuarón et son fils se sont renseignés pour faire de Gravity le film le plus réaliste possible. Ils trichent seulement sur quelques éléments temporels, incluant une navette qui n’est plus utilisé et une station spatiale qui n’est pas encore construite. Et contrairement à la majorité des réalisateurs (Joss Whedon avait voulu tenter le coup avec Serenity mais le studio a refusé), ils livrent un film sans son dans l’espace. Et autant c’est impressionnant car nous n’entendons que ce que Sandra Bullock entend dans son casque ou presque, autant c’est compensé par une musique parfois pénible qui se veut plus proche de l’ambiance sonore que d’une véritable symphonie. Il est évident que Cuarón et Steven Price ont longuement réfléchit à la question mais on aurait préféré sans doute quelque chose de plus « classique ».
On enchaine les superlatifs mais ils sont tous mérités, surtout à une époque où tout n’est que remakes, suites et superpouvoirs.. Vous l’aurez compris, Gravity n’est pas un film comme les autres. Au delà de son histoire en apparence simpliste mais en réalité bien plus complexe, c’est une véritable expérience sensorielle qui est proposée au spectateur. Vous aviez toujours rêvé d’être astronaute et d’aller dans l’espace ? Alfonso Cuarón vous en offre la possibilité pendant 1h30, pour le prix d’une place de cinéma.