L'arrivée d'un train en gare de La Ciotat - 118 ans plus tard.

Un survival puissant mais n'y allez pas pour le scénario, il n'y en a pas.

On a tendance à faire des raccourcis faciles en France. Par exemple comparer Gravity à 2001, juste parce qu'on y voit des coucous tourner dans l'espace. Gravity est juste un block-buster, un survival puissant et dans ce domaine là, c'est une réussite. Mais n'y allez pas pour le scénario, il n'y en a pas. On est très loin de Délivrance, de Gerry, de La Guerre des Mondes ou même d'Alien.

Ici pas de sous-texte, pas de message : Gravity est un film médullaire : qui stimule avant tout les sensations directement émises par la moelle épinière, sans passer par le cerveau. Anxiété, angoisse, panique … En cela il est beaucoup plus proche d'un World War Z ou d'un Pitch Black. Le synopsis est on ne peut plus simple : l'orbite terrestre est devenu une poubelle, on y plante des stations, des satellites et toutes sortes de machins qu'on laisse plus ou moins à l'abandon une fois la mission terminée. D'où dépotoir, un peu comme les cimetières de sous-marins. Un jour forcément, pour une raison ou une autre, des débris se mettent à devenir dangereux et voilà, on a notre incident déclencheur. Autant dire un des plus pauvres de toute l'histoire, avec le mauvais rêve d'Anakin Skywalker.

S'en suit une course à la survie très classique dans un film survival. Du point de vue narratif on fait donc le strict minimum : George Clooney y joue un peu en pantoufles, usant de sa nonchalance naturelle, qui marche même si on n'a pas droit à son « funny walk ». Sandra Bullock s'en sort très dignement et contre toute attente elle tire le meilleur parti possible du scénario, qu'elle épluche consciencieusement. La situation est suffisamment anxiogène en elle-même, Sandra Bullock joue la virgule, la note de bas de page. Heureusement d'ailleurs, car sans cet angle délibéré pris par la comédienne, le film serait le meilleur qui soit pour passer à la Géode, au Futuroscope ou à DisneyLand. Il suffirait de l'amputer d'une trentaine de minutes : ce qui gâcherait une partie du plaisir, mais ne gênerait en rien le scénario.

Esthétiquement pas de doute : c'est la gifle de l'année, tant du point de vue visuel que du point de vue sonore. On regrette juste un peu parfois le manque de silence. Je ne vais pas ma répandre là dessus car on peut lire la même chose à peu près partout, et c'est bien ce qui fait tout l'intérêt du film : immersion totale, situation angoissante et dangereuse, solitude absolue et perte de repaires, avec pour seul salut le fait de s'accrocher très fort à la barre, comme un trapéziste. Sinon on meurt. Voir Sandra Bullock se débattre pour sauver sa peau, attraper une barre puis une autre nous procure les mêmes sensations qu'au cirque. "ATTENTIOOOON !!! OOOHHHH !!!! RRAAAHHHH !!! " Nous y sommes enfin : Gravity est un film de divertissement, un formidable numéro de cirque, POINT À LA LIGNE.

Et j'en viens enfin à une conclusion un peu terrifiante, mais qui n'est pas forcément du fait du film lui-même : Je lis ici et là que Cuaron a posé ici les jalons du cinéma de demain, le futur du cinéma et tutti chianti. On a tendance à faire des raccourcis faciles en France. Gravity est une innovation dans sa forme, mais il ne renferme rien de nouveau du point de vue du fond. On n'est pas chez Malick, on n'est pas chez Lynch. Allez j'ose le dire : c'est même du cinéma d'hier ! Un retour au cinéma premier d'attraction, très précisément comme les frères lumière avec l'arrivée d'un train en gare de La Ciotat. Souvenez vous : http://www.youtube.com/watch?v=b9MoAQJFn_8
MarcoSerri
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le 4 nov. 2013

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