Une expérience cinématographique unique, purement immersive et intense. LE grand film de l'année!
Outre le fait d'apporter des éléments nouveaux en matière de technologie, "Gravity" est sans aucun doute LE grand film de cette année qui restera gravé dans les mémoires, et ce malgré les quelques imperfections de son scénario. Des images à nous couper le souffle, une 3D impressionnante et pour une fois très justifiée, un travail sonore et musical impeccable, des jeux d'acteur brillants, une bonne dose de spectaculaire et de divertissement... Tous ces éléments contribuent à faire de "Gravity" une expérience cinématographique purement immersive et intense, une expérience de l'immédiat qui nous tient en halène et nous fait vivre des sensations uniques tout au long des une heure et 31 minutes de film.
Le voilà enfin, le grand film de l'année, mais aussi le nouveau pas pour la technologie des effets spéciaux et de la 3D : "Gravity", un film spectaculaire qui défie les lois de la gravité en nous offrant des images sublimes, d'un réalisme impressionnant, et qui s'impose comme étant le premier usage pertinemment justifié et réfléchi de la 3e dimension, rendue beaucoup plus efficace et intéressante que James Cameron ne l'avait fait pour "Avatar". La 3D de "Gravity" n'est pas un outil mais fait partie intégrante du film. Voir le film en 2D ou sur un petit écran n'aurait plus aucun intérêt, tant les techniques utilisées renforcent les propos du film.
Le réalisateur du 3e "Harry Potter" nous livre un spectacle grandiose à travers l'histoire de deux astronautes, Ryan Stone (Sandra Bullock) et Matt Kowalski (George Clooney), qui se retrouvent pris dans une tempête de débris de satellites entraînant une collision en chaîne et les faisant partir à la dérive dans l'immensité de l'espace, à 375 miles au dessus la Terre. Manque d'oxygène, perte de communication, débris dangereux, mobilité limitée par les combinaisons spatiales... "Gravity" a tout du survival movie dans l'espace et ne lésine pas sur les moments de tension, lesquels se multiplient et persistent tout au long du film, souvent intensifiés à travers de longs et magnifiques plans-séquence à nous couper le souffle.
Toute cette tension n'a pas de secrets. C'est essentiellement aux prouesses techniques du film que l'on doit son efficacité. La caméra de "Gravity" est flottante et nous emmène partout où le réalisteur et son directeur de la photographie Emmanuel Lubezki ont envie de nous mener. N'ayant pas de sol ni de plafond, les choix de mouvements et de positions de caméra sont infinis. Cette caméra planante, immersive, qui suit toutes les actions du film en s'envolant dans tous les sens, à travers des mouvements lisses et sans à-coups, a vite fait de nous désorienter et de nous faire perdre nos repères. Seule la Terre, énorme sphère aux détails et aux couleurs sublimes, nous permet de nous y retrouver parmi ces images. Elle se dresse, imposante et inaccessible, à la fois belle et effrayante, face aux yeux des personnages du film, livrés à eux-mêmes dans un espace sans dimensions, où leurs pieds et leurs bras ne commandent pas leurs déplacements, pas plus que le vide n'impose de limites à la caméra.
Le son tient également un rôle important dans "Gravity". Tout étant silencieux dans l'espace, il convenait d'apporter à la sonorisation une touche particulière. C'est à travers un parfaite assemblage de sons étouffés, sortes de vibrations perçues depuis les combinaisons des personnages, et les musiques composées par Steven Price que le film finit par trouver le bon compromis, de manière à captiver le spectateur et à le tenir en halène. Les musiques en soi ne sont pas spécialement agréables à l'écoute, étant donné qu'elles sont elles-même des combinaisons de tons monocordes, de sons d'ambiances créés par divers instruments, et de sonorités ou autres vibrations variant en accord les unes avec les autres. Mais c'est le résultat final, mixé avec les effets sonores, les voix des acteurs et joint aux images du film, qui crée une ambiance magnifique et efficace, tout à fait unique et - disons-le - assez révolutionnaire!
Si l'envie nous vient de comparer "Gravity" avec "Avatar" pour la 3D et toutes ces prouesses techniques, l'approche de Cuaron n'a cependant rien à voir avec celle de James Cameron, même si le film peut parfois nous évoquer "The Abyss". La vision de Cuaron est davantage comparable avec celle de Stanley Kubrick pour "2001 l'Odyssée de l'Espace", où le réalisateur s'était déjà appliqué, à l'époque, à nous faire perdre nos repères d'espace et de gravité à l'aide d'effets visuels impressionnants. Il en va de même pour l'ambiance du film, avec ce côté assez 'épuré', tant au niveau des images qu'à celui de l'histoire et de son rythme. Tous deux sont de grands films de science-fiction qui capturent le vide en image et le cultivent dans leurs propos. Mais là où "2001" était plus un film de concepts, mettant en avant certaines idées abstraites mais réfléchies, "Gravity" repose presque uniquement sur la dimension physique et immersive au niveau des sens.
On pourrait en effet reprocher à "Gravity" l'absence d'une part émotionnelle ou psychologique plus importante, le film se contentant d'une histoire au final très simple, avec un personnage central (Ryan Stone) dont le récit reste assez basique. Le passé de ce personnage qui a perdu sa fille présente certes un intérêt dans le scénario et contribue à donner une nouvelle dimension au titre, à savoir cette 'gravité' que nécessite Ryan pour descendre de son nuage, arrêter de fuir la réalité, et se retrouver les pieds sur terre. Le titre prend ainsi donc un double sens, mais l'aspect intellectuel est cependant moins bien abordé que la signification purement physique.
Mais ce n'est pas grâve car, au fond, nous ne sommes pas là pour assister à un débat philosophique sur le passé du personnage central. Toute l'histoire de "Gravity" est concentrée sur l'immédiat, le présent, la tension du 'maintenant'. Le film pourrait presqu'aussi bien marcher sans ses dialogues. Car ce que nous voyons à l'écran, c'est une femme confrontée à la mort. Va-t-elle survivre ? Va-t-elle s'en sortir ou pas ? Va-t-elle continuer à dériver dans le noir infini de l'espace jusqu'à manquer définitivement d'air ou pas ? Cuaron s'amuse à nous laisser le doute, à manipuler nos pensées tout en gardant cette approche en tête. Il confronte la petitesse de l'être humain face à l'immensité de l'univers, et c'est au final de cette mise-en-scène forte en sensations que le spectateur en tire ses propres réflexions.
L'expérience audio-visuelle de "Gravity" est enrichie par la performance de Sandra Bullock, qui porte pratiquement à elle seul tout l'aspect humain du film. Si l'expérience est essentiellement physique et que tous les mouvements de l'actrice sont précisémment chorégraphiés dans le temps et l'espace, tout son jeu se retrouve confiné dans son regard et dans sa respiration. Et quelle force d'expression que d'entendre cette enfilade d'inspirations et d'expirations s'enchaînant à des rythmes variés tout au long du film. Sandra Bullock parvient à relever le défi de façon brillante, en apportant une dimension universelle à son personnage. A cela vient se joindre la performance d'un George Clooney qui sera décidément toujours décontracté et au top, même en état de dérive dans l'espace. Son personnage est également fort intéressant, il apporte un côté nettement plus humoristique et divertissant au film, de même que le dialogue serait inexistant sans sa présence. Il est difficile d'imaginer ce que d'autres acteurs auraient pu apporter de mieux à ces personnages, en sachant que les acteurs de bases étaient sensés être Angelina Jolie (ou Natalie Portman) et Robert Downey Jr.
Il aura fallu au final quatre longues années de développement à Alfsonso Cuaron et son fils Jonas, avec qui il a co-écrit le scénario, pour porter "Gravity" à l'écran. On ne s'en rend pas compte d'amblée, mais le film est un croisement efficace entre plusieurs genres. Si le spectacle auquel on assiste est essentiellement un survival movie et un film de suspense mêlant thriller et science-fiction, on y retrouve également des ingrédients propres à la comédie à travers les nombreuses répliques croustillantes lancées par George Clooney, et quelques touches d'horreur/épouvante lorsqu'apparaissent, à travers le hublot de la capsule spatiale, des cadavres flottant, à l'image de l'apparition de la tête cadavérique flottant à l'intérieur d'une épave submergée des "Dents de la Mer".
Le film nous plonge donc énormément dans le spectaculaire propre à Hollywood, nous offrant un résultat agréable au regard, à la fois palpitant et divertissant. Mais les prouesses techniques, tant visuelles que sonores, la 3D et les jeux d'acteur font de ce film quelque chose de plus grand, d'unique. Outre le fait d'apporter des éléments nouveaux aux technologies de la 3D et des effets spéciaux, "Gravity" est sans aucun doute LE grand film de cette année, qui restera gravé dans les mémoires. La 3D nous permet – comme jamais auparavant – de nous plonger dans cet espace sans repères, de vivre une expérience purement physique, qui fait appel à nos sens et nous captive du début jusqu'à la fin. Que le scénario ne soit pas à 100% bien fixé ou que l'enchaînement d'action puisse paraître exagéré est parfaitement excusable. Ce ne sont là que quelques détails qui ne sont rien face à l'expérience cinématographique unique qu'Alfonso Cuaron nous propose, une expérience immersive et intense, qui nous tient en halène et engendre – sans les avoir spécialement suscitées – des réflexions sur l'humain et la condition humaine, sur les notions d'immensément petit et d'immensément grand, sur la vie et la mort et bien d'autres éléments. "Gravity" n'est pas une œuvre d'art parfaite, mais c'est une œuvre bouleversante et riche en créativité, qui nous interpelle dans l'immédiat et nous fait vivre des sensations uniques tout au long des une heure et 31 minutes du film.