Ca y est, je l'ai vu, LE film révolutionnaire, celui-ci qui fait tourner la Lune et la Terre dans le sens contraire de leur trajectoire scientifiquement ordinaire, celui qui est sencé, par sa puissance métaphysique, bousculer nos certitudes et nous faire passer, nous, les sceptiques, pour les balourds de l'Inquisition qui, face à Galilée, n'avaient plus que leur mauvaise foi et leur pouvoir de coercition pour tenter de freiner l'avancée de la Vérité.
La Terre tourne !
Il en va moins pour cette attraction du Futuroscope (oui je sais, ce n'est pas original gnagnagna), qui a plutôt tendance à faire dans le balourd du remplissage pour tenter de faire exister un script écrit sur un ticket de métro parisien, parce que les nôtres, à Marseille, sont quand même deux fois plus grand et en couleur, s'il vous plaît.
Le début est donc, il est vrai, bluffant, et mérite presque à lui seul les points que je donne à ce film: un long plan séquence de mise en situation, présentation des personnages caricaturaux et voltige légère spatiale, on s'y croirait, merci Poitiers ! Vient ensuite la panique subite due à l'arrivée des débris et mis à part quelques légères incohérences techniques internes au film*, on apprécie cette panique, même si fort peu originale un tant soit peu que l'on ait un minimum de culture cinématographique.
On me dit à l'oreillette que tout est une question de 3D, que sans ça, forcément l'impact est moindre. Moui, sans doute, mais j'aborderai le problème soulevé plus tard, ce qui me semble personnellement essentiel lorsque nous parlons d'art.
Quoiqu'il en soit, la ballade dans l'espace commence alors et suite à quelques facilités "scénaristiques" plus tard**, nous perdons notre brave sidekick (qui n'a rien de drôle au passage), laissant seule notre héroïne près d'une station spatiale russe abandonnée, avant-dernier espoir de survie de notre héroïne.
Elle y entre donc et finit par respirer de l'air frais***. Elle s'évade dans le module et en tapant dessus (merci Star Wars), réussi à "activer" une fréquence lui permettant d'entendre et de communiquer avec un péquenot russe et ses chiens.
Hum.
Wait.
Donc si je comprends bien, les Russes sont suffisamment stupides pour 1- Balancer un missile sur leur propre satellite, mettant en danger la vie de leurs propres cosmonautes et risquant de générer un incident diplomatique et 2- Etablir et régler des fréquences de sorte à ce que n'importe quel clampin terrestre puisse interférer dans leurs communications ? A noter que l'argument du "Clooney dit à un moment que tous les satellites de communication sont HS" ne marche pas, puisqu'il faut bien que les communications du péquenot et de son toutou transitent quelque part... Par ailleurs, le matos de ce dernier serait plus efficace que le matos des ingénieurs russes ??
Quoiqu'il en soit, une fois le monologue de l'héroïne terminé, démonstration par ailleurs que la réalisation est totalement superficielle (j'y reviendrais également plus loin), échappant par ailleurs à un bombardement de débris attendant bien sagement qu'elle soit partie avant de tout fracasser, vient la scène dîtes de la fable de l'extincteur, déjà amenée benoîtement avec un incendie sans conséquence pour l'héroïne (puisque de toutes les manières elle n'avait pas spécialement pour objectif de rester sur place, alors pour quelle raison se préoccuper de cet incident ?), si ce n'est de l'amener vers l'extincteur avec les gros sabots d'un éléphant russe bourré au champomy ?
M'enfin, une fois la poilade passée du voyage pompier, elle s'accroche à la station chinoise, entre à l'intérieur, atteint une capsule de survie, lit le manuel (les débris patientent...) puis fonce vers la Terre. Arrivé à ce niveau là, j'ai franchement du mal à comprendre comment certains cosmonautes ont pu prétendre que ce film est réaliste, parce qu'il me semble qu'un tel atterrissage balotte bien plus que cela son passager. Mais je suis mauvaise langue, après tout, un film réaliste peut bien faire quelques entorses à la réalité, n'est-ce pas ? Hum, bon.
Plouf donc, coucou la grenouille, et là, l'Humanité, pleine et entière (ou presque, manque quelqu'un tout de même) s'extrait des eaux vaseuses, véritable icône - voir la contre-plongée insistante sur la demoiselle (dame ?) pour le comprendre - renaissante au débardeur impeccable (ce n'est pas comme si il a dû traverser divers incendies, faire face à des pluies de débris et plonger dans un étang vaseux pour en arriver là) avec cette lumière éblouissante en sus, rare moment ou ENFIN le réalisateur a compris que la caméra doit exprimer quelque chose, dommage que cela arrive à ce moment pour une chose aussi vaseuse...
De script, il y a, bien sûr. Tous les films, même les films bêtes et méchants en ont un, ils se distinguent juste par leur portée. Ici, il ne s'agit que d'un canevas de poncifs du survival (d'un point hostile, j'arrive sur un autre point paisible avant la tempête, qui arrive, vite, vite, hop, je m'en sors de justesse, tout est détruit, j'arrive sur un autre point paisible, etc) avec des scènes mal intégrées et forcées. Le paratexte, ce qui distingue par exemple 2001, L'Odyssée de l'espace et en mieux de cette tranche d'hamburger, est surligné voire douteux au sens où on ne sait, finalement, pas trop où le réalisateur veut en venir. Est-ce la naissance de l'humanité (position foetale, insémination par le missile, passage des différents stades de l'évolution - elle respire sous l'eau, nage, rampe et se lève*****...) ou la "simple" renaissance d'un individu, sujet un peu nombriliste certes ?
Du coup, je comprends que certaines personnes aient préféré parler du sandwich mangé à midi ou des collègues croisés à l'occasion, car, voyez-vous, il faut bien parler de quelque chose à partir du moment que l'on s'engage à écrire une critique sur des réseaux sociaux, et comme l'absence de profondeur du film n'aide pas...
La technique quand à elle, effectivement, c'est juste superbe. Les lumières sont belles (un peu fades en intérieur, mais rien de bien méchant), la caméra est légère, mais totalement superficielle.
En effet, elle n'est pas là pour soutenir un point de vue, tare de très (trop) nombreux réalisateurs, qui oublient qu'avant tout, une caméra est comme un pinceau dans les mains d'un peintre, un burin dans les mains d'un sculpteur ou un crayon dans les mains d'un dessinateur, c'est-à-dire un outil pour donner du sens et de la matérialité à la danse folle des idées. La caméra tournoie en rythme, gère l'espace émulé par de l'ordinateur mais finalement ne retranscrit fondamentalement aucune émotion, tout passant par le surlignage de monologues pataud, notamment celui de l'Héroïne dans la capsule Soyouz. Il ne suffit donc pas de laisser errer sa caméra, mais aussi de la maîtriser pour ressentir, bordel ! La musique lourde truque par ailleurs les émotions, là aussi l'utilisation des bruitages n'est franchement pas intelligente - pas l'impression d'être menacé par quoique ce soit lorsque la dame (demoiselle ?) commence à se mettre en position foetale dans la station orbitale russe...
Alors on me dira que si tu l'as vu sur ton écran d'ordinateur, forcément, pffft, gros nul, tu n'as pas profité comme il faut de la 3D, mais tu vois, avec la 3D, c'est mieux.
Déjà, je ne pense pas que la 3D puisse changer en quoique ce soit un script métrotickeste, même marseillais, par ailleurs cela me permet d'aborder une thématique que tout le monde a l'air d'oublier ici (et là) lorsque nous parlons de l'art.
L'universalité.
Un tableau de Picasso, le David, une bande dessinée comme Tintin, 2001 L'Odyssée De L'Espace, Mozart, toutes ces oeuvres que nous lègue l'humanité et qui survivent au temps qui passe ont une caractéristique, fondamentale: leur caractère intemporel, leur capacité à retranscrire des émotions envers et contre tout, et à tout le monde, et ce de tout temps. Il ne reste presque rien de la couche de peinture de cette "oeuvre" vue avec du matériel ordinaire, une fois que l'on gratte un peu et que l'on daigne allumer les fonctions intellectuelles du cerveau. C'est une question d'accessibilité, pas une question de goût.
Le bilan est faible, très faible, pour une soi-disante oeuvre dépassant selon ses plus grands thuriféraires le film fascinant de Kubrick. Superficielle, pataude, surlignée, incohérente, prétentieuse de bout en bout, voilà ce qu'est Gravity. Ni plus ni moins.
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Pour quelle raison les Russes envoient un missile pour détruire un satellite espion alors qu'il suffisait d'y installer un module de destruction activé par radio ?
Et sinon, pratiquant l'utilisation de radio, une personne qui parle sur une autre personne coupe automatiquement la parole d'une autre parlant sur la même fréquence. Ca commence mal pour défendre l'idée d'un film "réaliste"...
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Tension avec l'O², Jet Pack qui tombe en panne pile au "bon" moment pour le suspens...
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Oui parce que voyez-vous, si la base russe s'est faîtes bombardée et mis en partie en pièce (comme le suggère l'état extérieur), les modules qui permettront à la demoiselle (dame ?) de respirer de l'air frais et les réservoirs d'oxygène de la station ont miraculeusement survécu. La classe.
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La position foetale de l'Héroïne c'est pour le message très mal amené, n'y avait-il pas une façon plus subtile d' y arriver ? De même pour l'extincteur...
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Ce n'est pas une héroïne pour rien, faudrait juste me dire comment elle fait pour se lever aussi aisément après une telle descente d'adrénaline et sans trembloter.
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