C'est ce qui s'appelle passer une mauvaise journée
Je ne pensais pas faire une critique de Gravity mais, comme je l’ai revu il y a peu en Blu-Ray, autant en profiter. Je ne m’étalerai néanmoins pas sur le fait que ce film est résolument fait pour être vu sur un grand écran et non pas sur une télé, aussi gigantesque soit elle. Au-delà du fait que les images de la Terre rendent mieux sur un écran géant, il y a surtout l’obscurité ambiante des salles de cinéma qui joue beaucoup dans l’immersion du spectateur.
Parce que dans Gravity, il est tout de même question d’espace infini et sombre, où la seule lumière provient finalement du soleil et de la réfraction de ses rayons sur la surface de la planète bleue. Alfonso Cuaron nous parle ici de l’absence de bruit, de gravité, d’air… de tout. Les seuls points de repère ce sont : les différentes stations orbitales, la jauge d’air et le chronomètre que l’héroïne porte au poignet, et puis la Terre, masse bleue immobile qui paraît observer silencieusement le périple de Ryan. En somme, des portes de sortie et deux comptes à rebours avant la prochaine catastrophe.
Cuaron réussit à nous amener dans un endroit qui reste inconnu pour la grande majorité du commun des mortels, où le son ne provient que des transmissions radio et de la musique d’ambiance. Où il faut savoir se dépêcher sans consommer toute son oxygène. Où il faut être capable de se mouvoir à l’intérieur de combinaisons rigides qui vous font des doigts larges comme des saucisses de Morteau. Où, enfin, rien ne vous empêchera de tourner sur vous-mêmes pendant des heures mais où la moindre petite pichenette peut vous envoyer gratuitement dériver dans l’espace, pour toujours. Bref, un univers pour lequel l’être humain n’est pas franchement adapté et qui peut devenir rapidement hostile pour un peu que l’on s’appelle Sandra Bullock.
En effet, Ryan Stone (jouée par l’actrice susnommée) est un personnage qui a une déveine assez stupéfiante. Primo, de ce que l’on apprend au cours du film, elle travaillerait dans un hôpital mais, pour une raison connue de la NASA uniquement, elle a été envoyée poser des circuits électriques sur la navette orbitale Explorer. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir bien foiré tous les tests (si on écarte le fait qu’elle soit dépressive et qu’elle est incapable de gérer son stress, il reste le fait qu’elle précise bien avoir crashé systématiquement le simulateur du Soyouz censé la ramener sur Terre). Deuzio, la seule fois où elle embarque dans l’espace, v’là-t-y pas qu’un missile vient dégommer un satellite qui, non content de partir en dérive orbitale à plus de 3000 km/h, va percuter d’autres satellites pour former ainsi une bouillabaisse métallique détruisant tout sur son passage. Tertio, tandis qu’elle est tranquillou en train de visser son petit module qu’elle a confectionné dans son garage (et qui n’est pas compatible avec Explorer, histoire d’en rajouter une petite couche…), vlan ! L’amas de débris vient lui souhaiter la bienvenue en l’envoyant valdinguer dans le noir stellaire. Et puis, ça continue comme ça pendant toute la durée du film. En fait, c’est typiquement le genre de personne qu’il faut emmener à la galette des Rois (soit vous avez la fève – peu importe la part qu’elle prendra, la fève glissera automatiquement dans celle d’à côté –, soit elle se sera étouffée avec).
En bref, vous l’avez compris, l’héroïne est un chat noir de première catégorie qui, en plus de ne pas être très dégourdie, s’attire toutes les m*rdes spatiales les plus improbables (tout ce qui n’arrive jamais en temps normal, globalement), tout en s’en sortant toujours miraculeusement. Ce qui nous donne un film avec assez peu de temps morts – sauf quand Stone se décide à admirer le paysage alors que l’arrivée de plusieurs tonnes de métal sur sa caboche est imminente –, où chaque impact et chaque explosion est souligné par une musique remarquable. Musique qui cesse brusquement dès que l’orage est passé, replongeant ainsi le spectateur dans le silence du vide stellaire. Musique qui parvient à sublimer même les moments les plus critiques (ce final avec la capsule de secours chinoise est tout simplement magnifique).
De manière générale, le film est esthétiquement très chouette. Les images de la Terre sont superbes, les réactions en chaîne sont parfaitement lisibles, la photo et la lumière sont excellentes (pas d’abus de filtres de couleur en tout genre, pas de « lens flare » à ne plus savoir qu’en faire, pas de scène trop sombre pour être comprise, etc.) et la caméra n’est pas montée sur ressort. La seule spécificité de ce film pour laquelle on pourrait élever quelques reproches, c’est l’utilisation du point du vue subjectif. Et encore, il est désagréable seulement au début du film quand Bullock se retrouve à faire des pirouettes dans le vide pendant un temps certain (estomac sensible, s’abstenir de regarder ce passage).
Au final, un film fait pour le cinéma, avec une 3D utile (plusieurs fois, mon cerveau a véritablement cru recevoir des débris dans les yeux), au scénario somme toute assez simple mais agréable, avec quelques scènes qui méritent le détour. Film qui perd cependant quelques points du fait d’une héroïne un poil godiche et peu crédible en astronaute (les dépressifs sont déjà interdits de plongée, m’étonnerait qu’ils aient accès à l’espace).