Lors des vacances d'été 1958,les jeunes Danny Zuko et Sandy Olsson vivent une histoire d'amour destinée à ne pas survivre à la saison estivale,la belle devant ensuite regagner son Australie natale.Mais la situation change et la voici qui finalement arrive à la rentrée à la Rydell High School,le lycée où étudie justement Danny.Les retrouvailles pourraient être chaleureuses si le garçon,leader d'une bande de rockers vaguement voyous,ne repoussait la naïve Sandy afin de ne pas passer devant ses potes pour un romantique en panne de virilité.Un an après la méga révélation de "La fièvre du samedi soir",la Paramount se dépêche de remettre en selle le prodigieux acteur-danseur John Travolta,nouvelle icône ciné de ces seventies finissantes.A cette fin les producteurs ont choisi d'adapter un carton monstrueux de la comédie musicale ricaine,le "Grease" de Jim Jacobs et Warren Casey,créé à Broadway en 72.Sans doute pour renforcer le lien avec "Saturday Night Fever",la composition de la chanson du générique a été confiée à Barry Gibb,le leader des Bee Gees qui avaient écrit la partition du film de John Badham.Le style est très différent d'une oeuvre à l'autre,on passe du disco 70's au rock fifties et l'histoire est ici beaucoup plus légère,débarrassée du fond social et tragique du film de 77."Grease",c'est du fun à l'état brut et on y manie le folklore et les clichés d'une période révolue qui imprime encore fortement l'imaginaire ricain.On reconnait des éléments classiques présents dans des fictions comme la série "Happy days",Henry Winkler alias Fonzy a même été pressenti pour le rôle de Danny,ou des films genre "La fureur de vivre","West Side Story","Graine de violence" ou "American Graffiti".Nous voici donc plongés au coeur d'un collège dirigé par des ringards bien barrés et dans les couloirs duquel se croisent les bandes de rockers frimeurs,les groupes de filles faussement affranchies,les sportifs pas finauds,les forts en thème chahutés et les idiots certifiés,la plupart de ces jeunes gens étant moins préoccupés par les études que par des désirs sexuels naissants.Il y a aussi la bande rivale des Scorpions,plus hargneuse et dangereuse que les finalement inoffensifs T-Birds.Tout ce petit monde évolue entre le bahut,le café où on sirote des milk shakes,le garage où on bricole de vieilles autos,le stade où évolue l'équipe de foot,le drive-in local et le bal de l'école où se nouent les idylles.Les looks travaillés sont également de sortie,robes de mousseline et coiffures choucroute côté féminin,blousons noirs,lunettes de soleil,bananes qu'on repeigne ostensiblement et brillantine dans les cheveux,la graisse du titre,pour les mecs.Ce dispositif est sympa et très bien rendu par une reconstitution d'époque opulente où ne manquent ni les décors ni les costumes ni les voitures vintage mais ce serait un peu juste compte-tenu de la minceur du scénario s'il n'y avait pour faire la différence la prodigieuse musique de Jacobs et le talent éclatant des interprètes."Grease" est une machine à tubes et toutes les chansons,sans exception,sont fantastiques.C'est rythmé,c'est mélodique,et en plus les paroles regorgent d'un humour très second degré qui met irrésistiblement de bonne humeur.Les tubes insubmersibles défilent sans discontinuer et impriment les mémoires,notamment "You're the one that i want", "Grease","Summer nights","Look at me,i'm Sandra Dee","Sandy" ou "Blue Moon",certains étant joués lors du bal par l'excellent groupe Sha-Na-Na.Quant aux comédiens,ils sont indiscutablement trop vieux pour être crédibles en lycéens,écueil partiellement occulté par la quasi absence de scènes où ils sont en cours,mais ils prouvent la qualité de la formation artistique américaine,tous se montrant aussi doués pour l'acting que pour le chant ou la danse.Et puis les personnages,au-delà de la caricature,sont sympathiques,attachants et tous dotés d'une personnalité originale.Un véritable effort d'écriture a été accompli en ce sens et pointe le poids de l'image publique,de l'apparence que chacun croit devoir se donner même si elle ne correspond nullement à la vérité des êtres.Les garçons sont au fond fleur bleue et cherchent l'amour,mais ils préfèrent jouer les durs afin d'adhérer au rôle social qui est censé être le leur.Les nanas sont plus fluctuantes,coincées entre des injonctions contradictoires,ne pas avoir l'air de cruches trop prudes ni de filles faciles qu'on ne respecte pas.Cette dualité psychologique est parfaitement définie par l'opposition entre Sandy,l'oie blanche un peu niaise qui voudrait passer pour une délurée,et Rizzo,la provocatrice entreprenante qui en réalité ne rêve que du grand amour.Randal Kleiser réalise ici son meilleur film,gérant à merveille ce bordel coloré toujours en mouvement,bien aidé il est vrai par la musique et la qualité des mirifiques tableaux dansés génialement chorégraphiés par Patricia Birch qui se retrouvera quatre ans plus tard aux commandes d'un "Grease 2" nettement moins inspiré.A noter la course de voitures en mode rodéo sauvage qui a lieu dans les mythiques déversoirs du fleuve de Los Angeles,cadre d'autres gymkanas cinématographiques mémorables comme dans "Terminator 2","Police Fédérale Los Angeles" ou "Drive".Si la distribution étincelle,il faut reconnaître que Travolta surpasse tout le casting.Sa présence et son charisme crèvent l'écran et magnétisent la caméra,surtout quand il se met à danser avec une aisance et une énergie prodigieuses.Face à lui Olivia Newton-John,réellement australienne, ne démérite pas et fait étalage d'un joli talent sublimé par sa beauté en transcendant avec finesse son personnage de fausse idiote.Jeff Conaway,le second de Danny,imprime puissamment la pellicule et les Pink Ladies, toutes convaincantes dans des genres différents,sont dominées par la pile électrique Stockard Channing mais Didi Conn et Dinah Manoff sont formidables aussi.Du côté des "méchants" Dennis C. Stewart impose sa gueule incroyable en chef des Scorpions et la sensualité explosive d'Annette Charles,l'ex revancharde de Zuko,ne passe pas inaperçue.Les parents sont les grands absents du film,on ne les verra pas et il n'en sera jamais question,mais le monde des adultes est représenté par les cadres du lycée,des gens un peu ridicules mais très drôles incarnés par la principale Eve Arden et le prof de sport Sid Caesar.Au passage on remarque que Travolta,starisé de fraîche date,avait déjà de l'influence puisqu'un petit rôle de serveuse a échu à sa soeur Ellen.On a en outre un réjouissant numéro d'auto-dérision avec Frankie Avalon qui vient se parodier en crooner suffisant le temps d'une hilarante chanson.