Grégoire Moulin contre l'humanité est un film passé complètement inaperçu, boudé par la critique, et ignoré par le public. Un bide. J'ai toujours du mal à comprendre, tant cette comédie française, drôle, absurde, intelligente, surpasse ses concurrentes. C'est peut-être là le problème, le public préférant sans doute de vulgaire comédies franchouillardes... Pourtant s'est vite formé un petit comité d'amateurs du films, et souhaitant le réhabiliter. Je l'ai pour ma part découvert par hasard en 2002 ou 2003, lors d'une diffusion sur M6, et le regarde une fois par an en moyenne depuis.
Grégoire Moulin est un type seul. Il a presque la quarantaine, est toujours célibataire. Il n'est pas très sociable et surtout, surtout, il n'aime pas le foot, ce qui provoque l'incrédulité de ses collègues (il n'aime pas le foot ? Sans doute est-il homo !). Et surtout, il a la poisse, mais vraiment. Son seul bonheur, c'est une danseuse de la rue d'en face, qu'il observe tous les jours, sans jamais l'aborder, tant il est d'une timidité maladive. Alors il décide un jour de lui voler son porte-feuille, et de l'appeler, afin de convenir d'un rendez-vous, pour lui rendre en feintant qu'il l'a trouvé sur le sol... Rendez-vous est pris. Et là commence la galère... Pitch banal, basique, presque niais sur le papier, et pourtant !
Difficile de décrire un film comme celui-là. Voire même impossible. Le film accumule les séquences rocambolesques et absurdes. Il faut vraiment le voir pour le croire : ce pauvre Grégoire Moulin porte vraiment la poisse. Partout où il passe, il provoque d'incroyables réactions en chaine. Il ne rencontre sur son passage que des tarés, des folles, des psychopathes qui, même parfois en tentant de l'aider pour se rendre à son rendez-vous, ne feront que lui rendre la tâche encore plus difficile et l'emporter vers de nouvelles embûches complètement incroyables. Sans trop vous en révéler, notre héros sera poursuivi par un violeur, un chauffeur de taxi à la gâchette facile, Hitler, une maniaque, des hooligans, etc. Chaque scène n'est que l'occasion pour Grégoire de s'enfoncer encore plus. On suit donc ses aventures, et en parallèle l'attente de sa dulcinée, dans un petit bar, pendant qu'elle lit Flaubert. Le tout avec comme toile de fond, une finale de la coupe de France de foot qui oppose Paris à Perros-Guirec (!).
Grégoire Moulin est un film très drôle. Le film ne laisse pas au spectateur une seule seconde de répit, jamais on ne s'ennuie, par contre on hallucine toujours devant les péripéties de ce pauvre gars, finalement tellement banal, et auquel on s'identifie tous un peu. On peut facilement le rapprocher des films de Dupontel, pour ma part je le trouve même encore meilleur que la plupart des films d'Albert (excepté Bernie...).
Absurde, donc, je le répète encore, bourré de cynisme et d'humour noir, violent, assez bien réalisé, et le tout est complété par quelques références littéraires et cinématographiques bienvenues, et d'une sévère critique de cette France beauf. Les footeux en prennent plein la gueule, les policiers aussi, ainsi que le monde du travail. Sans jamais tomber dans la méchanceté gratuite, tout n'est là que pour embêter un peu plus Grégoire. Cette France qui n'a pas su là acclamer un excellent film, loin d'être parfait, mais terriblement sincère et généreux. Tant pis pour elle, dommage pour Artus de Penguern qui n'a plus jamais réalisé de long-métrage ensuite.