You make a place for things... things come.
Tout amateur de toiles qui se respecte possède au moins une persona qui lui est affiliée ; un ou une cinéaste dont se sent proche, et où l'on peut en dire "j'aimerais faire des films comme lui/elle". Dans mon cas, je choisirais Joe Dante sans même hésiter. Si Hollywood était une famille, Joe serait l'oncle distant, bizarre et marginal, pas aussi charismatique et respecté que Steven, moins coincé que George (qui de toute façon fait peur), et un peu plus marrant que John, bref toujours enclin à la déconne et aux diverses excentricités. Le grand gamin quoi. Et comme tous les gamins, Joe est un véritable passionné.
Parfois trop ceci dit, et la plupart de ses films ressemblent à des amas débordant de bonnes intentions mal alignées, mais qu'importe, mieux que quiconque, c'est un gars qui a su saisir la notion de divertissement cinématographique et en extraire la moindre goutte pour en créer un nectar savoureux. Gremlins 2, c'est l'enfer de Dante poussé à son paroxysme : tout y est sur-exaggéré, sur-monté, le rythme est brouillon et part dans tous les sens, les messages moraux et sociaux y sont distillés avec la finesse d'une danseuse-étoile pachydermique, et l'on mélange les genres sans la moindre vergogne. On s'amuse à se faire peur, et l'on se fait peur à s'amuser devant cet ensemble digne des plus glorieux trips sous acides de Chuck Jones. Mais à l'arrivée, on touche à ce qui fait la grande force du médium cinématographique : pas besoin d'un scénario génial, d'une interprétation enlevée, d'une photographie sublime, d'un montage malin et d'une musique inspirée pour faire un grand film, parfois juste prendre du plaisir suffit. Ici, les acteurs en font des caisses (avec cette décadence typique de la fin des années 1980/début des années 1990 de surcroît), le scénario vole au ras des pâquerettes (résumé en 5 mots : Gizmo de retour, de l'eau) et se résume à une succession de gags/scénettes, parfois sans queue ni tête, souvent inutiles sur le plan diégétique. Malgré cela, je prends toujours un pied monstre à revoir ce film, et tous les autres de tonton Joe par la même occasion, car je sais qu'il y aura toujours un dénominateur commun, que l'on ne se prend jamais trop au sérieux, et que Wile E. Coyote n'attrapera jamais Road Runner (enfin, sauf cette unique fois, mais ça ne comptait pas vraiment).
Dante a réalisé des films moins bordéliques que ce Gremlins 2 (on a eu droit au sympathique 'Burbs un peu avant et à l'excellent Matinee quelques années plus tard), mais je reviendrai toujours à celui-là, parce que même s'il délaisse un peu l'horreur jouissive qui pouvait caractériser le premier, même si j'ai fini par connaître et reconnaître par coeur toutes les blagues et références disséminés au sein du script, c'est comme un tour de Big Thunder Moutain à Disneyland, ou un bon Looney Tunes pour rester dans le sujet : malgré les excentricités, les rochers en plastique, les effets sonores criards, chaque nouveau tour est l'occasion de se rappeler ce qui rendait l'attraction si géniale de prime abord, et de constater qu'après plus de 20 ans le plaisir reste intact. C'est sans doute pour ça que Dick Miller est et restera mon chouchou : sous ses airs de vieux bougon, il a su garder une âme de gamin intacte. Et par les temps qui courent, ce n'est pas une sinécure.