Toujours aussi excellent et intemporel après une énième vision en presque 35 ans, avec une VO en anglais et français fine et significative, ce chef d’œuvre est une symphonie dont l’écoute est toujours aussi vibrante, même sans évoquer ce qu’elle me signifie personnellement.
Les grimages, costumes et effets, qui de toutes manières ne constituent jamais le génie d’une œuvre, m’ont paru étonnamment acceptables en ces jours d’excellence technique. Le film se focalise sur la construction psychologique d’un héros miraculé et traumatisé, de sa charpente animale à sa transcendance acquise par un cruel destin d’humanisation, ouvrant à l’écran comme sur nos fauteuils l’aventure, le vécu et le débat éternel de l’équation socio-philosophico-scientifique de l’inné et l’acquis. Au-delà de l’histoire mondialement connue d’un bébé orphelin élevé par Kala, compagne du chef d’un groupe de manganis dans une jungle équatoriale, le style choisit aussi l’aspect crasse, bestial, hostile, sans concessions romantico-pralinées, « réaliste », si tant est qu’on puisse l’être, d’un environnement sauvage, beau, impitoyable et vierge comme la liberté.
Ainsi pas mal d’écarts et de raccourcis, géographiques comme narratifs, jusqu’au célèbre cri illustrant parfaitement ce ton, distinguent cette fresque du célèbre roman d’Edgar Rice Burroughs, qui raconte sur ses 26 volumes les aventures d’un héros modélisé par des critères proprets du 19ème siècle, mais cette version s’inspire pourtant le plus sérieusement de l’essence psychologique du premier tome. La psychologie, la romance, l’aventure, les larmes et la beauté giflent, transportent et, n’en déplaise à l’aristocratie Anglaise bien-pensante, balaye les théories de notre héritage par droit divin au profit d’une formidable leçon d’édification personnelle.