Revu. Un pur joyau de la part de Werner Herzog, une magnifique mise en abîme documentaire à mi chemin entre la fascination candide et l'ironie légère. Herzog ne juge pas Treadwell, non, surtout pas. Il expose simplement, et non sans une pointe d'amertume et de pessimisme, sa vision des choses tout en rendant grâce aux images de Treadwell himself.
Le cinéaste allemand dit beaucoup de choses moins par la voix-off que par le montage, dans ce documentaire.
Sur le monde, d'abord, et sa perception de la nature et du chaos.
Sur Timothy Treadwell, ensuite, le showman écolo-cinglé qui passa 13 ans de sa vie auprès des grizzlys avant d'être dévoré par l'un d'eux.
Un égoïste, un fou, un illuminé, certainement. Mais aussi un idéaliste aveuglé, persuadé qu'il ne peut régner ici-bas que tendresse et volupté, convaincu de la beauté de sa démarche, assuré enfin qu'un homme peut vivre comme un ours. Et un cinéaste unique, un prodigieux capteur d'images. Alors oui, le portrait esquissé par Herzog qu'on devine plus qu'on ne le voit (la neutralité restant sa devise), n'est pas des plus tendres et le documentariste fait preuve d'un cynisme parfois vachard. En témoignent les séquences purement ironiques de l'interview avec les parents de Treadwell ou le pragmatisme purulent et terrifiant du médecin légiste. Toutefois, Herzog se surprend à être fasciné tant par l'acteur qu'est Timothy Treadwell (un vrai showman encore une fois, et le film le montre très bien), que par son talent cinématographique. Herzog et Treadwell partage enfin la même passion pour une nature dangereuse que Werner Herzog a beaucoup exploité en tant que cinéaste (se rappeler des tournages infernaux et périlleux de Aguirre ou de Cobra Verde ...).
Enfin, à travers le personnage de Treadwell, on l'a compris, Herzog dit beaucoup de choses sur lui-même. Sur son pessimisme et sa méfiance, son inquiétude, sa philanthropie défaite. Sur sa cinéphilie aussi. Sur son métier, le cinéma, entrevu ici comme un réservoir authentique d'images et de sensations. Et sur son goût pour l'inconnu et le danger.
Une incroyable oeuvre philosophique et métaphysique, malgré elle, sans la moindre prétention. L'humilité paye encore. Le génie brut de Werner Herzog en est la preuve.